C’est l’histoire d’une robe de mariée qui voyage, pour le meilleur et le pire, dans une valise de Brazzaville à Pékin, de Paris à Lausanne, de la Sicile en passant par Dresde et Liège, Seattle ou Kobe. C’est encore et surtout l’appareil photographique de Baudouin Mouanda qui voyage talentueusement avec elle.
Il a noirci son passeport congolais de visas pour ailleurs : France, Suisse, Allemagne, Italie, Hongrie, Belgique, Etats-Unis Chine, Japon... Mais qu’est-ce qu’un Africain voyageant dans le monde avec une robe de mariée dans sa valise peut-il bien faire ?
Des photos, rien que des photos ! Explications de l’intéressé : « Cette robe de mariée qui passe d’un pays à l’autre, d’un corps à l’autre, d’un rêve à un autre, sert de fil conducteur à une série d’images à la fois intrigantes et mélancoliques. Je pose la question, faut-il cesser de croire en l’amour et aux sentiments purs ? J’ai voulu montrer une autre facette du mariage que beaucoup préféreraient voir cachée, par peur de ce qu’elle révèle de nous et de nos arrangements secrets. Car, le mariage ne peut être parfois que prétexte, un statut voulu pour s’expatrier dans un autre pays, élever son rang social, fuir la solitude ou encore modifier le regard des autres quand le célibat est montré du doigt. L’amour y perd parfois ses lettres de noblesse, sa sincérité et sa pureté ».
De retour de son périple à travers le monde, la robe n’a rien perdu de son éclat, soigneusement mise aujourd’hui au placard chez le photographe brazzavillois. Il y tient comme à la prunelle de ses yeux. Il faut dire qu’elle endosse aussi le premier rôle de « Congolaise Dreams », un documentaire de 26 minutes signé par le réalisateur Philippe Cordey et produit par Aljazeera Documentaries.
La robe de mariée y reste la même, immuable, seuls changent les corps de femmes, les villes et pays, les endroits improbables, ceux d’une décharge publique ou d’un train bondé. Philippe Corvey témoigne : « Le véritable défi pour Baudouin n'était pas seulement de photographier ces femmes mais d'incorporer leurs rêves dans ses images afin de créer des récits individuels pour ces femmes, savoir quelle était leur interprétation du mariage. Pour ce faire, il a travaillé pour considérer ce que ces femmes disaient ...».
Si le concept n’est peut-être pas sans rappeler le livre photographique « Rouge » de Patrick Guedj et Véronique Durruty où la veste rouge de la marque Kenzo aura elle aussi fait son tour du monde. Il y a assurément chez Baudoin Mouanda une forme d’engagement pour appuyer parfois là où ça fait mal et dénoncer de la plus jolie manière, et non sans une certaine poésie, certains côtés sombres de notre société. Chacune de ses séries photographiques s’apparente à de purs chefs d’œuvre, à l’image de « Ciel de Saison », « Des fantômes de la Corniche », « Les héritières de Mohamed Ali », « Lumière de Brazza », tant d’autres encore, séries et clichés, tous aussi remarquables les uns que les autres. « Congolaise Dreams » n’échappe pas à la règle et nous passe la bague au doigt pour épouser sans cesse les œuvres, aussi personnelles qu’originales, de Baudouin Mouanda !