Al-Qaïda au Sahel développe actuellement un "projet d'expansion" vers le golfe de Guinée, en particulier la Côte d'Ivoire et le Bénin, a assuré le patron de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), Bernard Emié. Il s'agit-là d'un format inhabituel.
Le patron du renseignement extérieur français Bernard Emié, la ministre des Armées, Florence Parly, et le chef d'état-major, le général François Lecointre, se sont entretenus sur la base aérienne d'Orléans-Bricy, lors d'un « Comex », le Comité exécutif consacré aux questions de contre-terrorisme. Dans une rare intervention publique, Bernard Emié a montré des images d'une réunion, tenue en février 2020, rassemblant dans le centre du Mali les plus hauts responsables locaux de la centrale jihadiste.
« L'objet de cette région était la préparation d'opérations de grande ampleur sur des bases militaires », a affirmé le patron de la DGSE, sans fournir de détails. «C'est là que les chefs d'Al-Qaïda au Sahel ont conçu leur projet d'expansion vers les pays du golfe de Guinée. Ceux-ci sont désormais des cibles et pour desserrer l'étau dans lequel ils sont pris et s'étendre vers le sud, les terroristes financent déjà des hommes qui se disséminent en Côte d'Ivoire ou au Bénin », a-t-il ajouté. Sans oublier "la Libye, le Yemen, la Somalie, le Mozambique et l'Afghanistan".
Evoquant la présence du terrorisme en Afrique de l'ouest, Florence Parly a déclaré :« Cet ennemi est là pour durer, se pense lui-même dans la durée ». Pour elle, « le terrorisme est la menace la plus meurtrière à laquelle nous faisons face ». Elle a défendu l’idée d’un « combat intégral contre le terrorisme ». « Des combattants ont également été envoyés aux confins du Nigeria, Niger et Tchad », a poursuivi Bernard Emié.
Selon lui, étaient présents à la réunion de février 2020: Abdelmalek Droukdel, chef historique d'el-Qaëda au Maghreb islamique; Iyad Ag Ghaly, chef du groupe de soutien à l'islam et aux musulmans et l'un de ses fidèles adjoints; Amadou Koufa, chef de la katiba (unité de combattants) Macina. Droukdel a été éliminé en juin par les forces françaises dans le nord du Mali.
Bernard Emié a expliqué, par exemple, qu' « Iyad Ag Ghaly incarne la stratégie d'Al-Qaïda au Sahel. Ce n'est pas un homme qui pense le terrorisme, c'est un homme qui le pratique au quotidien. Il n'hésite pas à se mêler à ses troupes assoiffées de violence, il n'hésite pas à prendre lui-même les armes ». Le Sahel est en proie aux groupes jihadistes, liés soit à Al-Qaïda soit au groupe Etat islamique, et implantés dans des zones largement délaissés par les pouvoirs centraux. La France, dont la lutte contre-terrorisme demeure la principale préoccupation déploie 5 100 hommes dans cette région, depuis le lancement de l'opération Barkhane en 2014.
Le président Emmanuel Macron a confirmé en janvier que Paris s'apprêtait à y « ajuster son effort », grâce aux « résultats obtenus » en 2020 et à « l'intervention plus importante de nos partenaires européens ».
La France fait monter la pression à deux semaines d’un sommet sur le Sahel (15 &16 février), et décrit ici sa stratégie de contre-terrorisme, en marquant son refus de négocier avec les groupes armés.