Afrique: pourquoi la France délivre-t-elle moins de visas aux Africains au sud du Sahara ?

Lundi, Février 8, 2021 - 11:00

Un rapport coécrit par deux parlementaires français et remis au gouvernement, dénonce le nombre «trop faible» de visas délivrés par Paris aux Africains subsahariens, aux motifs sécuritaires, et au détriment de sa propre attractivité.

Le rapport des députés, Sira Syla et M'Jid El Guerrab, concerne la politique des visas de la France. Les auteurs jugent « trop rigoureuse », la délivrance des visas aux ressortisants subsahariens. Ils constatent un « décalage » entre les déclarations du président Emmanuel Macron, en 2017 à Ouagadougou (Burkina Faso), sur « la révolution de la mobilité » à la jeunesse africaine et une politique d'attribution de visas plutôt restrictive à l'égard des africains francophones. « Une politique de visas ne doit pas se faire au détriment de la tradition d’attractivité, par exemple, en matière artistique. La France a une histoire ancienne et commune avec l’Afrique; or, les Africains se détournent de la France à cause d’une politique trop stricte », a déploré la députée Sira Sylla.

Les trois blocs de propositions des rapporteurs

Les auteurs du rapport ont donc formulé « trois blocs de propositions » : Un rééquilibrage de la politique des visas du ministère de l’Intérieur à celui des Affaires étrangères, « ce qui permettrait de réduire les préoccupations sécuritaires et migratoires dans l’attribution des visas », selon eux ; renforcer le critère d’attractivité de la République française dans la politique de visas, en délivrant davantage de sésames aux talents africains ; et enfin, améliorer l’expérience vécue par les demandeurs sur le terrain. Ils regrettent que la France accorde des « passeports-talents » à plus de Nord-africains - au point que leurs pays d’origine se plaignent de fuite des cerveaux -, au détriment des Subsahariens.

Ils rappellent les liens historiques entre l’Afrique à la France, et déplorent que le continent africain soit celui vis-à-vis duquel les déterminants de la politique des visas - entre risque migratoire et attractivité – sont les plus difficiles à concilier. « L’Afrique compte le plus de pays soumis à visas, et les taux de refus de visa sont les plus élevés. Sur le continent, la question des visas est le sujet politique qui détient une place centrale dans les relations bilatérales». Chinois et Russes dominent dans les délivrances de visas, devant les Marocains et les Algérens. En queue de peloton, la première nationalité subsaharienne est l’Afrique du Sud! L’Afrique noire francophone est donc le parent pauvre des délivrances de visas par la France.

Le triple objectif de la politique des visas

La politique des visas poursuit un triple objectif : la prévention du risque sécuritaire, le contrôle des flux migratoires et le renforcement de l’attractivité du territoire. « C’est vis-à-vis de l’Afrique que ces différents objectifs sont les plus difficiles à concilier au point que, sur ce continent, le visa tend à devenir un enjeu diplomatique majeur », d'après les rapporteurs. La République française accueille ainsi de nombreux étudiants étrangers, ce qui participe de son « attractivité ». Ceux venant d’Afrique subsaharienne étaient en hausse de 42%, entre 2015 et 2019. Mais la hausse des frais d’inscription pourrait remettre en cause cette tendance, dès la rentrée (2020-2021), préviennent-ils.

L'externalisation des visas et la perte de confiance

Depuis que Pari a externalisé le traitement des dossiers de visas, les demandeurs ont perdu confiance. Ils ont l'impression de « monétiser le visa », ce qui fait perdre à la France son avantage historique sur le continent. « L’Afrique est un continent d’avenir, de tous les défis contemporains, mais elle reste trop souvent perçue comme une menace », regrettent ces derniers. Avertissant qu' « une politique des visas dissuasive est susceptible de conduire les Africains à se détourner de la France au profit de destinations jugées plus attractives sur le plan du droit à la mobilité et de l’accueil ».

Dans les sciences sociales, les principaux intellectuels africains sont désormais établis en Afrique du Sud, au Canada, au Royaume-Uni, rarement en France, a rappelé, l'ambassadeur de France en Côte d’Ivoire, Jean-Christophe Belliard. « Il est donc important de répondre à la question de la mobilité et de la circulation qui est l’un des principaux irritants, constaté entre l’Afrique et la France », concluent les auteurs du rapport.

Noël Ndong
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