Agriculture : Il était une fois Yacinth au pays de l’ananas

Jeudi, Février 11, 2021 - 19:49

Pour compter à l’âge de 14 ans de 90 à 300 000, il faut avoir épousé l’amour de la terre tout autant que le goût de l’ananas avec ferveur. Il était une fois Yacinth Nguimbi, producteur d’ananas à Sibiti.

Yacinth est né dans le département de la Lékoumou, à la maternité Indo à Sibiti. Du travail aux maternités de la région, il en a donné : Huit enfants dont il est le père. Nourrir la famille n’est pas un problème. Au pire il y aura toujours un ananas sur la table. L’ananas, c’est presque toute sa vie, de celui qu’il allait cueillir dans les champs de son grand-père, ou un peu plus loin enfoncé dans la forêt, jusqu’à celui qu’il cultive aujourd’hui. 

Et l’histoire commence par il était une fois. Un garçonnet de 14 ans, qui n’aura pas eu le temps de rêver à son avenir,  90 pieds d’ananas qu’il plante, parce que son père vient de décéder, et le besoin de survivre plutôt qu’étudier. A la fin de l’histoire, il pousse 300 000 ananas dans chaque année qui passe dans la vie de Yacinth. Il confesse que Dieu l’a guidé vers son métier, que le garçonnet qu’il était n’avait pas vraiment choisi son chemin de lui même.

Au milieu de l’histoire, il y a des voyages pour apprendre. Là où d’autres pays ont pris de l’avance sur le Congo et l’agriculture pour cultiver cette plante originaire d’Amérique du Sud qu’est l’ananas. Yacinth visite les grands champs d’ananas, là-bas, en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Bénin, au Nigéria...  Avoir une récolte quelle que soit la période de l’année est une question d’expertise. Pour devenir expert en la matière, Yacinth se retrouve aux mains des Américains, là aussi pour apprendre. Il suit pendant plusieurs années une formation U.S « Projet piscicultures paysages » dans plusieurs villes du Congo.  Dans ce projet, on y enseigne les techniques de pointe de l’agriculture et Yacinth se classe parmi les meilleurs de sa formation. Les RCP [régulateur de croissance des plantes] et l’Induction Florale, phénomène physiologique qui fait qu’un bourgeon à feuille évolue en bourgeon à fleur, n’ont plus de secrets pour lui.

Yacinth Nguimbi, malgré le fait qu’il soit l’un des principaux producteurs d’ananas au pays, déplore cependant qu’il n’y ait pas de demande à l’international. Le marché n’est pas extensible au-delà des frontières et limite une culture, pourtant ô combien abondante, à une plus grande échelle. C’est un frein économique pour acheter de nouvelles machines pour extraire le jus d’ananas, faire des confitures, construire des chambres froides pour la conservation... Alors pour diversifier sa production, il s’emploie  à d’autres tâches : le manioc, le café, l’huile de palme, le savon... Sa structure A.D.R. Lek [Association pour le développement rural de la Lékoumou] emploie chaque jour dix permanents, auxquels s’ajoutent des saisonniers, des gens du village.

Autrefois considéré comme un travail de « pauvre », Yacinth affirme que « le statut de paysan a favorablement changé aujourd’hui. Les Congolais ont enfin compris qu’il fallait cultiver notre terre et que cela pouvait les enrichir. Je suis issu de ce monde là, ma famille avait des plantations de café, elle cultivait le haricot et l’arachide, élevait des boeufs. Je suis né de cette terre, de cette sueur, de ces longues journées de labeur. J’ai un domaine de 3 hectares ce n’est pas rien, il faut être paysan jusqu’au fond de l’âme pour cultiver avec amour chaque jour chacun de mes champs ».  Car les histoires d’« il était une fois » sont le plus souvent de belles histoires d’amour !

Philippe Edouard
Légendes et crédits photo : 
Photo1: Yacinth Nguimbi Photo2: Yacinth Nguimbi dans son verger
Notification: 
Non