Le film du cinéaste nigérian Kenneth Gyang met en lumière un fléau qui gangrène la société nigériane. A travers le personnage de Oloturé, héroïne du film, la journaliste Tobore Ovuorie fait un récit ahurissant de ce phénomène qui en cache un autre, notamment le trafic d’organes humains.
Dans le film la journaliste nigériane se fait passer pour une prostituée pour percer le mystère qui a emporté une des amies sous terre. En Effet en 2013, elle apprend qu’une amie d’elle partie faire le trottoir en Europe, sous la coupe d’un réseau mafieux, est décédée. « J’ai voulu lui rendre justice, et raconter l’histoire derrière ces femmes exploitées en Occident », raconte la reporter à l’Agence France Presse.
Après avoir gagné la confiance des prostituées, ces dernières lui présentent une « Madame », une des trafiquantes proxénètes qui envoient des dizaines de filles travailler pour elles en Europe. Sous le personnage de Oloturé, Tobore part pour le Bénin avec une dizaine de filles. C’est depuis ce pays, lui promet la "Madame", qu’elles commenceront leur périple pour l’Europe. Elles devront en contrepartie verser jusqu’à 70.000 euros, une fois arrivées en Italie. Mais rapidement, le voyage se révèle bien plus dangereux qu’imaginé. Au lieu de filer droit vers la frontière, leur minibus fait escale dans un funeste camp d’entraînement en banlieue de Lagos. Là, les filles sont violentées et classées entre les « forza strada », les prostituées pour la rue, et les « forza speziale », celles qui accompagneront les clients les plus fortunés.
Parmi elles, Linda, une jeune fille peu éduquée originaire d’un village rural et pauvre, se lie d’amitié avec Oloturé. Linda « représente ces femmes qui pensent que leur vie sera meilleure en Europe avant de connaître la désillusion », affirme Tobore, qui a « croisé beaucoup de femmes comme Linda », au cours de son enquête. Pour la plupart de ces femmes, il n’y a pas de lumière au bout du tunnel.
Le nombre est difficile à estimer, mais selon les autorités entre 10.000 et 30.000 Nigérianes ne se prostituent rien qu’en Italie. Des dizaines de milliers d’autres n’ont jamais pu traverser la Méditerranée et sont toujours bloquées en Libye ou dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest où leurs passeurs les exploitent, leur faisant toujours miroiter le rêve européen.
La traite de femmes pour l’exploitation sexuelle est un véritable fléau au Nigeria. Les actes de maltraitance sont commis à l’encontre des jeunes filles, mais aussi les orgies organisées par des politiciens locaux et des trafics d’organes pour des crimes rituels.
La lutte contre les réseaux mafieux de la prostituion est devenue le champ de bataille de Tobore. Lorsqu’on lui pose la question de savoir quel impact cette enquête a eu sur elle, Tobore Ovuorie répond la gorge serrée « Je ne suis plus que l’ombre de moi-même », « J’essaye de sourire, d’être rayonnante, mais la vérité, c’est que la plupart du temps, je me bats pour me raccrocher à la vie ». Elle qui a réussi à s’enfuir à la frontière béninoise, échappant à la surveillance de ses trafiquants tente toujours de retrouver les femmes avec qui elle devait partir pour l’Europe. Sept ans se sont déjà écoulés.