Mémoire : Marcel Gotène, l’artiste ne meurt jamais

Vendredi, Février 19, 2021 - 11:33

« J’aime ceux qui aiment la vie puisque la vie et l’Art vont de pair. Je considère l’art comme le seul moyen qui permet à l’homme d’extérioriser librement l’irréel réel caché dans son moi », disait-il. Les paroles, les réflexions mais surtout les œuvres qu’il a laissées derrière lui perpétue la tradition. Son corps s’est sans doute reposé. Quant à son âme, elle ne s’est jamais arrêtée de vivre…  Huit ans après, le peintre de l’harmonie vit toujours.

Marcel était né en 1939 à Yaba, dans la partie septentrionale du Congo. Son talent en peinture se manifeste très tôt dans son enfance. Ce qu’il aimait ? C’était dessiné. Il s’y employait sans détour avec les moyens de bord.  Charbon de bois à la main, Gotène s’est adonné au dessin sur des surfaces très variées : murs, cartons, planche, papier…, tout y passait. 

Son entourage immédiat et sa famille peu avertis en matière d’art s’inquiétaient de son avenir. A cette époque, rares sont les parents qui souhaitaient que leurs fils deviennent des artistes. Cependant, les hommes de l’art voyaient en Marcel un ultime héritier.

Heureusement, parmi ces avertis figurait Pierre Lods, le peintre français qui deviendra par la suite le fondateur de l’école de peinture de Poto-Poto. Dans cette école où chacun devait emmener ce qu’il avait de mieux.  Pierre Lods ne donna aucune instruction précise à ses apprentis, son attention étant de permettre à chaque Congolais qui se destine à la peinture une libre expression de son tempérament. « Fais ce que tu veux, ce que tu vois » est le seul précepte dont se souviendra Marcel du créateur de l’école de peinture de Poto-Poto.

Gotène laisse donc son esprit erré près de la rivière et du crocodile, dans la bananeraie ou sur le chemin du marché, derrière les femmes dont les cents anneaux de cuivre aux bras et aux jambes le fascinaient. Avec originalité comme crédo, il exprime sa créativité. De ses toiles naissent des scènes de danse, de petites maisons en paille, des rivières où glissent les pirogues, des chasseurs armés de sagaies, des personnages monstrueux à deux têtes mais également des paysages et des atmosphères au surréalisme déroutant.

Son univers pictural multicolore déploie les couleurs de la vie : blanc, bleu, rouge, jaune, noir, vert, marron et bien plus encore. Marcel peint le quotidien mais aussi le figuratif et l’abstrait.

Deux ans après son entrée (1951) dans ce creuset de la peinture congolaise, Marcel Gotène réalise sa première exposition à la foire de Brazzaville en 1953. Les années suivantes ne feront que confirmer le talentueux peintre qu’il était. Un grand parmi les grands.

Au-delà des frontières du Congo, la peinture de Gotène trouve de l’écho.  Plusieurs récompenses lui sont alors attribuées. 1re médaille d’or et 2e médaille d’argent à l’exposition du Centre culturel français de Brazzaville (1968), Médaille Léonard de Vinci décernée par l’Académie Internationale de Lutèce (1973), Prix France-Afrique décerné par la Société Internationale des Beaux-Arts (1973) … Au cours de sa longue carrière, le peintre a beaucoup exposé et vendu de nombreux tableaux.

Un patrimoine national culturel

Faisant l’évocation du génie culturel congolais, le ministre de la Culture  et des Arts, Dieudonné Moyongo, mettait en exergue, il y a trois ans, le travail atypique et impressionnant de Marcel Gotène. L’idée émise : inscrire l’œuvre du peintre au patrimoine culturel national, afin d’assurer la protection, la sauvegarde et la valorisation de ce potentiel culturel d’une valeur inestimable. Approuvée. Le Conseil des ministres statuait ainsi en 2018, à travers un décret, en faveur du classement de l’œuvre de Marcel Gotène comme patrimoine national culturel. L’héritage pictural de l’artiste est depuis lors à l’abri du plagiat et de la contrefaçon.

Marcel Gotène a tiré sa révérence le 19 février 2013 mais son œuvre est toujours présente comme en témoigne l’intérêt croissant des actions qui visent à pérenniser son héritage.

Fondation Marcel Gotène

Créée il y a quelques années déjà, la Fondation Gotène, dont le siège provisoire se trouve dans l’enceinte de l’immeuble Les Manguiers (Les Dépêches de Brazzaville), souhaite consolider l'image du peintre sur le plan international.

Dans sa démarche promotrice, elle souhaite organiser des expositions itinérantes à travers le monde, créer au cœur de la capitale congolaise un lieu pour regrouper les œuvres de l'artiste (tableaux, gouaches ou esquisses.), contribuer à la notoriété des artistes du bassin du Congo en mettant en lumière leurs œuvres. « L’idée de la fondation est née après la disparition de l’artiste en 2013. Nous nous sommes aperçus qu’on avait un trésor inestimable entre nos mains. Il était nécessaire de créer une fondation qui soit un lieu d’exposition de ses œuvres pour immortaliser sa mémoire », déclarait Yaba Gotène, fille aînée du peintre et directrice de la fondation, à l’occasion de la commémoration des six ans de la mort de son père.

 

Durly Emilia Gankama
Légendes et crédits photo : 
Photo1:Marcel Gotène en plein travaux Photo2:Marcel Gotène posant avec le Grand Prix d’Art remporté en 2007
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