Contestation populaire : Macky Sall joue la carte de l’apaisement

Mardi, Mars 9, 2021 - 12:45

Dans une adresse à la nation, le président sénégalais, Macky Sall, a lancé le 8 mars un appel « au calme et à la sérénité » après plusieurs jours de manifestations violentes qui ont fait au moins cinq morts, selon un bilan officiel et huit selon Amnesty International.

Dans sa première intervention à la télévision publique depuis l'arrestation de son principal opposant, Ousmane Sonko le mercredi 3 mars,  Macky Sall a appelé au calme. « Tous ensemble, taisons nos rancœurs et évitons la logique de l'affrontement qui mène au pire. Cette synergie positive montre que dans des moments de doutes, d'inquiétudes et de turbulences, nos régulateurs sociaux fonctionnent », a-t-il déclaré.

Après avoir rencontré différents membres de la société civile et de la classe politique, le président sénégalais  joue désormais la carte de l'apaisement face à la contestation inédite qui secoue le Sénégal.

Les partisans d'Ousmane Sonko avait mis en garde le pouvoir sénégalais pendant le week-end. Si l'arrestation d'Ousmane Sonko a fait descendre dans la rue les partisans de l'opposant, elle porte à son comble une exaspération de nombreux Sénégalais, face à une dégradation des conditions de vie dans le pays.

Après les violences des derniers jours, un important dispositif policier a été déployé dans la capitale Dakar. Des blindés de l'armée surmontés de mitrailleuses sont désormais positionnés dans la ville, pour tenter de limiter les dégâts lors des manifestations.

Ousmane Sonko appelle à continuer la mobilisation

A peine remis en liberté par les autorités sénégalaises, une liberté sous contrôle judiciaire, Ousmane Sonko a tenu immédiatement une conférence de presse au cours de laquelle il a appelé à une mobilisation « beaucoup plus importante » mais pacifique. « La révolution est déjà lancée, rien ni personne ne peut l'arrêter. Aucune puissance interne ou externe ne peut plus l'arrêter. Le peuple a pris sa responsabilité et a compris les enjeux. Conduisons cette révolution à son terme, c'est à dire au plus tard 2024 », a indiqué l’opposant sénégalais au siège de son parti, le Pastef.

Dans sa déclaration, l’opposant accuse Macky Sall d’avoir « trahi le peuple sénégalais » de « persécuter les opposants » ou encore d’avoir « imposé le rapport de force ». « Beaucoup de crises politiques ont été traversées, jamais on en a vécu une comme celle-là. Et c'est d'autant plus grave que l'avènement de Macky Sall avait suscité un grand espoir de la part de tous les Sénégalais, avec une prière de promesse. Le peuple veut que sa démocratie progresse, c'est ça qu'on attend d'un chef d'Etat, pas de passer tout son temps à payer des milliards à des laboratoires qui commentent des coups fourrés contre des opposants », affirme Ousmane Sonko, avant de rendre hommage aux victimes des violences de ces derniers jours, et de jeter la responsabilité des évènements en cours au chef de l’Etat.

Ousmane Sonko a aussi formulé des exigences : la libération immédiate et sans conditions des « prisonniers politiques » ou encore l’ouverture d’une enquête indépendante sur les bavures lors des manifestations. Il demande également au chef de l’État de déclarer publiquement et sans ambiguité qu’il ne sera pas candidat à la prochaine présidentielle de 2024.

« La mobilisation va continuer », dit-il « avec des manifestations pacifiques », avant d’ajouter que « la peur doit changer de camp ».

A ce jour, cinq personnes ont officiellement perdu la vie lors des affrontements. Ils seraient au moins dix selon Ousmane Sonko, qui désigne le pouvoir sénégalais, comme unique responsable.

Une semaine sans écoles

En raison des activités scolaires déjà rendues difficiles par la pandémie de covid-19, et fortement perturbées par les violences qui secouent le pays de la Teranga, le ministère sénégalais de l’Education nationale a ordonné, le 7 mars, la fermeture de ses établissements scolaires pour les prochains jours.

« Les cours, dans les écoles et établissements publics comme privés, d’enseignements général, technique et professionnel, ainsi que dans les différents cycles : préscolaire, élémentaire et moyen secondaire sont suspendus du  8 au 13 mars 2021 sur l’étendue du territoire national », indique le document.

Les cours devraient reprendre dès le lundi 15 mars à 8 heures dans tout le pays.

Face à la situation, le gouvernement a adopté plusieurs mesures, dont la coupure d’Internet et la suspension de plusieurs chaînes de télévision. Accusé par la rue d’avoir orchestré la procédure en cours contre son ancien adversaire, le président Macky Sall n’a toujours pas fait de déclaration publique officielle sur la situation.

Cette annonce intervient dans un contexte social tendu marqué par les violences qui ont émaillé les protestations contre l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko. Accusé de viols et de menaces de mort par une employée d'un salon de beauté qu’il fréquentait, l’ancien candidat à la présidentielle de 2019 a été interpellé par la police et mis en garde à vue pour « troubles à l’ordre public », alors qu’il se rendait au tribunal.

Josiane Mambou Loukoula
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