Interview. Ulrich Ntoyo : « Il faut sauvegarder et pérenniser le conte »

Vendredi, Mars 26, 2021 - 11:59

Après deux ans d’absence sur le sol congolais, Ulrich Ntoyo, conteur marionnettiste, comédien et auteur congolais revient pour saisir les maux, ceux du Congo, pour dire la réalité de ce pays mais aussi des mots qui laissent à l’imagination la possibilité de s’évader, de partir dans des contrées infinies, et de s’interroger. Une belle rencontre autour de l’écriture, un voyage avec les mots que le directeur artistique de la Youle Compagnie évoque dans cet entretien.

Les Dépêches du Bassin du Congo : Quels ont été vos sentiments en foulant de nouveau le sol congolais ? Pourquoi êtes-vous revenu  plus précisément cette année alors que la crise sanitaire fait tant de dégâts dans le monde ?

Ulrich Ntoyo : C’est toujours avec beaucoup d’émotions que je reviens sur les traces de mon enfance.  Je suis revenu en cette année particulière où les salles de spectacles sont fermées et où la seule possibilité artistique que nous avons c’est de préparer demain. Le plus dur pour moi est de voir en rentrant toute cette jeunesse qui se cherche, qui ne trouve pas d'issue et dont le seul rêve est de partir. Pourtant nous avons un pays où tout est à créer, à penser... Alors, il est important de rentrer, partager la connaissance avec des jeunes artistes qui font déjà de très belles choses.

LDBC : Vous êtes arrivés pour un travail de recherche, pouvez-vous nous en parler plus longuement ? Est-ce le début d’une création ?

U.N : Oui, c’est une nouvelle création que j’ai nommée ‘Le bourdon’ un texte que j’ai commencé à écrire en Martinique dont je poursuis l’écriture et le lieu idéal pour le faire c’était mon pays et plus particulièrement la ville qui m’a vu grandir : Pointe Noire. C’est un regard croisé entre l’océan Atlantique d'où sont partis nos ancêtres et la mer des Caraïbes, une des terres d'arrivée. Un spectacle qui se fait avec la participation de Jehf Biyeri et Alexandra Guenin. De plus, j’en ai profité également pour faire un stage de trois jours à l'espace Culturel Ku N’kondé, et un master class à la salle du Théâtre à la carte de Pointe-Noire. 

LDBC : Connaissant votre passion pour l’écriture, je suppose que vous n’êtes pas resté les bras croisés pendant cette crise sanitaire. Pouvez-vous nous dire comment vous avez vécu cela ? 

U.N : On ne peut rester les bras croisés avec la violence et la gravité de la situation que traverse la planète. Aujourd’hui, on se lance dans des élans de solidarité, j’ai donc lancé sur internet le projet les Contes-Confits. Un rendez-vous conte où tous les soirs on partage un bout de rêve au niveau de ma ville en France. Par ailleurs, avec ma compagnie, nous avons lancé une cagnotte pour venir en aide aux personnes vulnérables de Pointe-Noire, action que nous avons menée avec Jacob Loemba.

LDBC : Qu’est-c qui vous incite à continuer à faire le conte et la marionnette ?

U.N : Il est plus qu’important dans les temps actuels, où tout est virtuel de garder une part de notre humanité, en allant vers la magie de la parole sans fioriture. Le conte qui est la mère de la littérature garde encore des secrets dans sa forme orale. Raconter les histoires avec ou sans objet, mises en scène ou pas est une urgence. Pour ne pas accepter le chaos que nous impose cette pandémie.

LDBC : Conteur marionnettiste, pensez-vous que le conte a toujours sa place dans la société congolaise ?

U.N : Je crois que cette parole contée a encore besoin d’être rétablie dans nos familles, dans notre société vu la disparition progressive de nos traditions et notre culture. Combien sont les congolais qui racontent une histoire un soir de claire lune ou un soir tout court dans les langues de chez nous à leurs enfants ? Une nation se perd quand tout ce qui se dessine à l'horizon vient d’une culture d'emprunt. Il est donc important au conteur de continuer à pérenniser cette quête et de sauvegarder la mémoire de notre passé. 

LDBC : Avez-vous un sujet qui vous tient à cœur et sur lequel nous n’avons pas pu débattre ?

U.N : En tant que directeur artistique de La youle compagnie à Rouen en Normandie avec mon administrateur Kevin Emeric Théry nous avons pensé venir lancer un pôle youle ici sur le territoire pour aider les compagnies d’un point de vue administratif. Donner et recevoir, partager ensemble nos expériences qui se nourrissent de deux continents. Construire ensemble une vision pour demain, pour combattre l’obscurité que nous vivons actuellement. 

Propos recueillis par Berna Marty
Légendes et crédits photo : 
Ulrich Ntoyo
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