Arts : Edouard Ignace Nsatou, la musique et l’architecture dans la peau

Vendredi, Mars 26, 2021 - 12:08

A 72 ans, Edouard Ignace Nsatou a gardé une âme d’artiste et une mémoire intacte dans laquelle il fouille quelques rêves de gosse où il se voyait prêtre ou encore pilote d’avion.  Il y fouille encore des pochettes de vinyles, James Brown ou Jimmy Hendrix car, au cours de sa vie, la musique l’attrapera par l’oreille mais  l’architecture l’attrapera par la manche.

Diplômé d’un doctorat en architecture, celui que ses proches surnomment affectueusement Ageau, du nom de l’agence qu’il dirige (Agence d’architecture et d’urbanisme),  n’a jamais été homme à tirer des plans sur la comète préférant les mettre au service du 1er art qu’est l’architecture.  On ne compte plus les ouvrages qu’il aura signés ça et là aux quatre coins du pays, le siège de la société Azur ou celui de Charden Farell, la Résidence Gabriella, entres autres.  Et pourtant, le jeune Edouard du temps de l’enfance s’imaginait prêtre pour bâtir son existence, un rêve ponctué d’un échec au concours du séminaire, un mal pour un bien en quelque sorte qui lui vaudra de faire ses premières armes musicales : «  En primaire, à l’église catholique, je voulais également chanter à la chorale mais ma voix  faisait tant souffrir les oreilles du prêtre qu’il préféra me mettre à l’apprentissage de l’harmonium », se souvient-il. 

Son enfance, il la partagera entre sa ville natale Brazzaville et le village de Mouyondzi où son père à la retraite fonde une huilerie et une savonnerie. Mais c’est pendant ses années au lycée à Brazzaville qu’il monte son premier groupe « Les Dauphins »  avec lequel il joue tous les samedis au Centre culturel français de Brazzaville : « Je me souviens que le directeur de l’époque nous avait demandé de reprendre un tube de Michel Polnareff, la poupée qui fait non, j’étais à la guitare et à l’harmonica et ce fut un triomphe dans la salle. Pourtant, rien n’était  facile dans ces années-là pour notre groupe, nous devions louer nos instruments aux plus grands comme les Bantous de la capitale ».

Vient le temps des études supérieures et d’un avion long-courrier pour un autre continent.  Le passager Edouard Ignace Nsatou atterrit à Rome, « ville éternelle » où trône historiquement cette merveille architecturale qu’est le Colysée. « Pour autant, j’avais toujours en moi cette passion de la musique, alors je me suis inscrit, en parallèle de mes études, au Conservatoire national de musique de Rome, j’y ai appris le solfège, la guitare, l’orgue. Ce penchant artistique se mariait bien avec l’art de l’architecture. A sa façon une partition est également pour moi représentative de l’art de savoir construire, non plus avec des pierres mais avec des notes », témoigne celui qui a obtenu son diplôme d’architecte en mars 1977, après sept longues années d’études dans la capitale italienne.

C’est à Paris qu’Edouard Ignace Nsatou fera ses premiers pas professionnels au sein du cabinet de  Daniel Chenut, architecte-urbaniste parisien hautement célèbre et toujours accompagné de son ami Charles Delamy, également architecte de renom. Et c’est à Paris encore, et parce que la musique ne l’a jamais quitté, qu’Edouard Ignace Nsatou, qui écoute volontiers James Brown ou Jimmy Hendrix,  sort son 1er 33 tours. «  Oui j’étais habité par la musique mais je retiens que Rome et Paris ont toujours influencé mon travail d’architecte accompli en République du Congo, elles sont deux villes où le 1er Art prend toute sa signification,  c’est une source d’inspiration et je peux même dire un privilège d’avoir vécu ce type d’expériences », se réjouit l’homme toujours en marche car « L’âge a peu d’importance, une profession libérale ne connaît aucune retraite tant que les facultés intellectuelles sont intactes ».

Aujourd’hui encore, à Pointe-Noire,  musique et architecture font toujours bon ménage quand bien même Ageau ne consacre plus autant de temps aux multiples instruments dans son studio d’enregistrement où il ne passe plus que des heures de loisirs. Pourtant le musicien, sous son pseudonyme de Johnny Satou avec lequel il sortira quelques disques, aura marqué de son empreinte l’histoire de la musique congolaise du temps des vieilleries, lorsqu’il enregistrait en tant qu’ingénieur et arrangeur dans son studio à Brazzaville et dans ses heures perdues de sa vie d’architecte, certains talents de l’époque sur K7 ou vinyles, que ce soit Rapha Bounzeki ou le groupe  L’Etoile du matin et la liste est longue... 

 

Philippe Édouard
Légendes et crédits photo : 
Edouard Ignace Nsatou
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