Chaque année au Sénégal, la confrérie soufie des Layennes rassemble des milliers de pèlerins habillés de blanc qui se regroupent au nom de leur foi pour prier pendant deux jours lors de ce qu’on appelle communément « L’Appel ». C’est dans ce pèlerinage que Nathalie nous embarque à Dakar où se tient ce rassemblement sur les sites de Yoff Diamalaye, au Mausolée de Cambérène, puis sur la corniche du quartier des Almadies, où se trouve la plage de la grotte sacrée. Une marée blanche se déverse dans ces trois quartiers qui réuniront les pèlerins au rythme des manifestations religieuses et des discussions théologiques autour de l’Appel de Seydina Limamou Lahi.
Il est intéressant de voir la cohabitation des différentes générations de femmes qui, bien qu’ancrées dans la tradition, restent féminines et coquettes, et usent des artifices modernes, assises séparément des hommes, parfois avec leurs tout petits, tour à tour lasses, endormies, ou bavardes, elles participent à la cérémonie à leur manière, avec des claquements de doigts, des balancements de bras et des chants. La place de la femme dans ce pèlerinage est aussi importante que celle des hommes, assises tout le long des cérémonies, elles achèvent ce chemin de foi debout devant les hommes.
De plus, alors qu’une certaine méfiance inter-religieuse remonte ces dernières années après de nombreux attentats terroristes dans le monde, il est intéressant de s’intéresser à la pratique religieuse au Sénégal. Bien que la tendance s’oriente vers un renforcement strict et rigoureux de la pratique, la religion musulmane au Sénégal montre une pratique assez libre d’environ 95% de la population, bien qu’encadrée par des chefs spirituels de différents mouvements religieux. Elle est globalement empreinte de tolérance, excepté en ce qui concerne la question de l’homosexualité. Les Sénégalais restent partagés entre leur culture animiste, leur religion musulmane, leur caste traditionnelle et la modernité. Les femmes, au sein de la population, occupent un statut particulier en Afrique : fières, fortes, certaines d’entre elles montrent une réelle intelligence dans l’art de combiner tous les aspects de ce « métissage » sénégalais.
La culture de l’islam, méconnue des pays occidentaux, est fondée sur des préceptes que nous ignorons ; néanmoins, certains des piliers de ce groupe religieux sont la solidarité, l’entraide et l’accueil. Une meilleure compréhension de cette religion permettrait sans aucun doute de mieux vivre avec cette communauté dont l’augmentation croissante du nombre de fidèles dans le monde montre que dans un avenir proche nous devrons concilier nos aspirations chrétiennes à leurs préceptes religieux. « Ce qui est important c’est de montrer que la différence inquiète encore de nos jours alors qu’elle devrait être source d’enrichissement. La différence n’est pas une critique, elle n’est pas un défaut, elle est une valeur ajoutée. Ce que je veux montrer à travers cette série, c’est qu’on peut apprendre des autres sans crainte », a fait savoir Nathalie.
Photographe autodidacte, le travail de Nathalie Guironnet se définit progressivement dans une démarche humaniste et documentaire. Elle porte sur la société un regard intrusif et déterminé. Son travail sur la mémoire urbaine l’a amené à initier un projet très personnel (Pouls, en collaboration avec le Collectif Mémoires sonores) qui a été exposé au OFF de la biennale d’art contemporain de Dakar.
A travers ses séries, plus personnelles, et bien que sa démarche reste instinctive, elle tend vers une forme de minimalisme esthétique et graphique notamment quand elle photographie des détails d’architecture, explorant ainsi le rapport du bâti avec la ville. Elle a travaillé sur les sujets religieux (pèlerinage, communauté, fêtes religieuses) en Afrique de l’Ouest. Elle vit actuellement en Egypte.