Mines : Félix Tshisekedi prêt à renégocier avec les entreprises étrangères

Mardi, Mai 25, 2021 - 13:26

Le président de la République démocratique du Congo(RDC) envisage de renégocier les contrats miniers pour renflouer les recettes de l’Etat.

Vers le réajustement des contrats gagnant-gagnant

Félix Tshisekedi a fait cette annonce au cours de son récent meeting à Kolwezi, dans l’ex-Katanga, l’actuel province de Lualaba, une région qui abrite d’immenses richesses minières (cuivre, cobalt, uranium, radium…). La RDC détient 80% des réserves mondiales de cobalt, une matière phare dans la fabrication des batteries électriques - un marché appelé à s’agrandir avec les appels à réduire les émissions  de GES. « Il est temps que le pays réajuste ses contrats avec nos amis investisseurs pour sceller des partenariats gagnant-gagnant », a déclaré le chef de l’Etat du Congo démocratique. Et accusant : « C'est aussi notre faute. Certains de nos compatriotes avaient mal négocié les contrats miniers. Pire, le peu qui revient à l'État, ils l'ont mis dans leurs propres poches ».

A l’origine des contrats, la chute de la Gécamines

L’exploitation des immenses ressources minières  que regorge le pays (or, étain, tungstène, tantale, cuivre, cobalt) dans l’ex-Katanga, à l’est et au Kasaï, est censée contribuer au budget de l’Etat. Mais cette richesse ne profite pas à la population. Un paradoxe qui amène le président de la RDC à réviser les contrats miniers, afin de l’aider à améliorer la vie des Congolais. L’origine des contrats miniers remonte à la fin des années 1990, selon Elisabeth Caesens, directrice de l’ONG "Resource Matters", après la chute de la société d’Etat du secteur cuivre-cobalt, la Gécamines.  Alors que le pays est en guerre, le président  de l’époque, Laurent-Désiré Kabila, va vendre des actifs miniers des entreprises d’Etat dont ceux de la Gécamines, afin d’attirer des ressources financières. « Dans ce contexte de fragilité, les nouveaux contrats n’étaient pas à l’avantage de la RDC », explique Elisabeth Caesens. « Dans la foulée, Joseph Kabila, au pouvoir dès 2001, ouvre la porte aux institutions financières internationales, le FMI et la Banque mondiale, conseillent à la RDC de libéraliser le secteur des mines. Dès 2002, un nouveau code minier est adopté, raconte-t-elle, mais très avantageux pour les investisseurs, puisqu’il prévoit un régime fiscal très attractif ».

Les redevances, une frustration pour les Congolais

Une soixantaine d’entreprises étrangères exploitent les gisements en RDC, dont la société suisse Glencore, les chinoises Sicomin et Tenke Fungurume mining. Il s’agit des exploitations industrielles. La plupart ont signé des contrats avec les sociétés minières étatiques. La Gécamines va traduire ses anciennes concessions en nouveaux permis. Les nouveaux investisseurs, plutôt que d’aller trouver un nouveau titre au cadastre minier vont négocier ces permis auprès de la Gécamines. Ce code sera révisé en 2018. Il prévoit une plus grande « mainmise » de l’État et une hausse de la fiscalité. Notamment, les redevances minières pour les minerais stratégiques (cobalt et coltan) qui passeront de 2 à 10%. « Ce qui nous intéresse en particulier dans ce nouveau code minier, décrit Elisabeth Caesens. "Ces redevances sont réparties entre Kinshasa et les différents niveaux de pouvoir, provinces, villes, communes etc. Et c’est là que se situe la frustration des Congolais. Des recettes sont générées, mais ils n’en voient pas les effets ». En 2021, selon les estimations financières, les recettes fiscales minières devraient rapporter 1,4 milliard de dollars à la RDC, soit 31,8% des recettes de l’Etat, moins qu’en 2018, soit 1,6 milliard de dollars. Une incongruité.

La cause des recettes médiocres

Si les retombées ne sont pas à la hauteur, c’est à cause du code minier, de mauvais contrats, d’une mauvaise ingérence, la corruption, « tout ça à la fois », analyse Elisabeth Caesens. Elle appelle au réinvestissement des recettes dans des branches, permettant de développer d’autres secteurs, capables d’élargir la base fiscale.

Concernant le nouveau code minier, il n’est pas mauvais en soi, selon elle. Seulement, « certains investisseurs ont adopté une série de manœuvres pour éviter de payer des impôts sur les bénéfices. Une pratique qui a été tolérée. Et lorsque des recettes sont générées, les fonds ne suivent pas toujours le chemin des réinvestissements au profit du développement de la RDC ». Un collectif de 15 ONG, anti-corruption, « le Congo n’est pas à vendre », plaide pour la « révisitation des contrats miniers » signés entre les investisseurs et les entreprises d’Etat, comme la Gécamines, dans le secteur cuivre-cobalt, et dans celui de l’or, à l’est du pays. Elisabeth Caesens est favorable à la renégociation des recettes, dont des royalties. Selon la loi des finances, la moitié reste dans l’entreprise d’Etat, l’autre part au trésor public.

Opacité des contrats et détournements de fonds

La société civile des doutes sur nombreux contrats, liés à certaines entreprises étrangères, parfois « en échange d’exonération fiscale quasi-totale dans le but que ses bénéfices remboursent le prêt destiné aux infrastructures ».  L’Initiative pour la transparence des industries extractives s’interroge de son côté sur la réalité des prêts versés et sur l’utilisation de cet argent. Elle a demandé de faire une évaluation. Une demande qui est soutenue par le gouvernement congolais.  Global witness et le Centre Carter signalent également des détournements de fonds, grâce à la complicité des dirigeants politiques et d’hommes d’affaires véreux. La société civile exige une transparence  dans la négociation des contrats ou les appels d’offres. Contrairement à ses prédécesseurs,  Félix Tshisekedi  plaide pour la gouvernance et la transparence pour l’intérêt des Congolais. Mais « les enjeux financiers sont tels que le défi parait insurmontable », d’après Elisabeth Caesens.

Noël Ndong
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