Portrait : Famy Christopher Matsiona, le prodigieux réalisateur

Vendredi, Mai 28, 2021 - 13:15

Derrière son tempérament doux se cache un artiste hors pair. Famy Christopher, la vingtaine à l’allure d’un basketteur, est ce qu’on appelle un héros dans l’ombre. Il a travaillé tout récemment dans le clip de Koffi Olimidé en featuring avec Violetta Skyller, il estampille aussi sur les albums de Fally Ipupa, Tenor, Innoss B, Minks, Blanche Bailly, Wizkid… Christopher veut conquérir le monde et ne s’en cache pas, il déploie dorénavant ses ailes vers l’Afrique anglophone ou il compte bien laisser ses empreintes.

« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage !», écrivait la Fontaine dans la fable Le lion et le rat. Un dicton qui sied bien à notre jeune réalisateur car entre coups durs et engagements embardés, Famy Christopher a su traverser les difficultés et les épreuves dans la patience et le silence. Connu dans son quartier d’enfance sous le nom de Dieuveil, l’artiste est accueilli comme une star. « Pour certains de mes amis, je suis devenu une star. J’ignorais que le métier de réalisateur allait m’exposer à ce point vu que je suis une personne assez renfermée. Bref, je ne passe plus inaperçu et cela en dehors même de Kinsoudi », avance Christopher qui se la joue discret réservant les artifices à son métier.

Autodidacte, Famy Christopher Dieuveil Matsiona est arrivé à sa notoriété à coups de travail et de sacrifices mais aussi par amour pour la musique. « Ma passion pour le rap remonte à la classe de sixième, je rappais dans les rues avec des amis. Ensuite, j’ai commencé à faire du beat making, j’arrangeais les instruments pour d’autres artistes. Puis en classe de seconde, j’ai découvert mon intérêt pour l’image. Dès lors, j’en ai fait ma passion au détriment de ma famille car j’étais plutôt bon élève, et cela inquiétait mes parents et mes professeurs »

En effet, à l’annonce de la nouvelle de se consacrer entièrement à la réalisation juste après son bac, c’est la consternation. Ce projet n’enchante ni n’emballe Verlaine, sa mère qui élève ses quatre enfants seuls. « Quand tu viens avec ce genre de projet, ce n’est pas probable que tout le monde comprenne tout de suite. Ma mère croyait que je serais sans aucun doute caméraman de télé Congo, ce qui n’est pas mal, selon elle, ce n’était pas un métier et elle aurait souhaité que je fasse médecine ou quelque chose d’autre mais pas la musique ! », Souligne l’artiste en grimaçant.

 « Mère célibataire, je n’ai jamais courbé l’échine et pourtant j’en ai bavé pour scolariser mes enfants !  Et Dieuveil était plutôt bon élève et je voulais qu’il ait un travail stable, mais le destin en a décidé autrement », a fait savoir Verlaine qui regarde dorénavant avec tendresse son fils prendre son envol.

Parcours de l’artiste

La suite est une incroyable série de coup de chances, d’audace, de patience et d’expériences, « Avant même que je me lance dans la vidéo pour musique, j’ai eu une grande chance de travailler pour la NBA Africa (SYMAA), ce qui a fait que j’ai commencé à rencontrer beaucoup d’artistes. De plus, les vidéos que je produisais pour la NBA, ont eu un bel accueil aux Etats-Unis et les promoteurs n’en revenaient pas que ce travail fut fait au Congo surtout par un jeune qui avait moins de 20 ans », explique Christopher ému. Chemin faisant, il tisse des liens avec quelques artistes du Cameroun, et au fil des rencontres, il envisage de plus en plus à faire de la réalisation son violon d’Ingres et dès lors les sollicitations fusent de part et d’autre du continent.

Mais une fois encore, tout n’est pas rose. Souvent mal ou non payé, des projets inachevés par des producteurs mal intentionnés, Christopher, tient bon, et son entêtement commence à payer. « C’est l’artiste Ténor qui m’a ouvert les yeux sur l’industrie de la musique, puisque avant cela je n’avais jamais travaillé avec une maison de disque, c’était une première et les conditions n’étaient pas les mêmes, et il a donc fallu que j’assure, j’avoue que j’ai beaucoup appris sur le ce projet », explique l’artiste qui espère dans un avenir prochain pouvoir faire le choix dans son travail. « En dehors de ce que nous faisons musicalement parlant, on est parfois obligé de faire de l’institutionnel (publicité, rendez-vous politique, promotion des structures çà et là, donc on va de projet en projet) pour subvenir à nos besoins. Sinon on se n’en sort pas »,  avoue Christopher qui assure s’en sortir avec ce qu’il gagne.

Le premier à l’avoir donné envie de faire du rap est sans contexte Booba, qui est aussi son modèle. De plus, on n’est pas surpris que Chris Macari ait influencé son travail artistique vu qu’il est le réalisateur de Booba. « Ce qui m’a tout suite marqué en regardant ses réalisations, c’était la liberté d’expression et sa créativité. Aux Etats Unis, ils étaient assez avancés sur les métiers du numérique et voir un français venu des Antilles produire ce type de rendu à cette époque, c’était surprenant pour moi, et à partir de ce moment j’ai commencé à m’intéresser à ce qu’il produisait ». Enfin, issu d’une famille modeste où l'on ne s’autorisait pas à rêver, il veut aujourd’hui aider à réaliser les rêves d’autres jeunes. « Le Congo est culturellement béni, il y a tant de talents en herbe qui ont besoin d’être soutenus. Ma responsabilité est aussi de les faire connaître, d’où la sortie prochaine de ma chaine digitale », a indiqué Christopher qui pense qu’il faut avoir un mental fort quand on veut de l’art au Congo. Aussi conclut-il dans une phrase qui est devenue son leitmotiv : « Croyez en vous, croyez en vos rêves ! Partir de zéro pour arriver au sommet, c’est possible tant que l’on travaille et se crée les opportunités pour pouvoir y arriver »,

Berna Marty
Légendes et crédits photo : 
Famy Christopher Matsiona
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