Deux journées de discussions ont réuni, les 2 et 3 juillet, dix-sept femmes de profils divers au Café des artistes de Texaf Bilembo autour de la conception qu’elles ont du féminisme, une rencontre co-organisée par Dada Kahindo et Orakle Ngoy dans le cadre du projet Learning Feminism déjà initié par le Goethe Institut en Afrique du Sud et au Rwanda.
La première journée avait comme entrée en matière trois prestations artistiques. La présentation de la série de photos Grand Prêtre Mère de Do Nsoseme, qu’elle a fait suivre de son slam Femme donnant ensuite le relais à Orakle Ngoy pour dire le sien. Suscitant un premier jet de réflexion, les cinq clichés où des femmes en costumes, vestes empruntées à leurs époux, posent devant les étalages de leurs petits commerces. Coup de projecteur sur des héroïnes dans l’ombre qui se plient en quatre au quotidien. Elles font en sorte de maintenir à flot leur foyer et s’y emploient avec gaieté de cœur sans revendiquer à cet effet la place du chef qui reste celle de l’homme. Elles ne s’imaginent pas porter la culotte, demeurent simples bien qu’elles soient devenues les chevilles ouvrières par la force des choses. En réalité, c’est elles qui tiennent l’économie des ménages.
Cette introduction a eu pour effet de délier les langues de sorte que le débat s’est engagé tout naturellement autour du concept féminisme. Pour cela, il a été initié un tour de table ou chacune des femmes présentes a, de manière tout à fait volontaire, dit ce qu’elle savait du sujet. C’est à renfort de dictionnaires et lexiques que cette première approche a été menée. Une preuve que, mine de rien, la notion n’est pas familière. L’interview de la Sénégalaise Fatou Sow sur TV5, présentée telle l’une des pionnières du mouvement en Afrique, s’est ajoutée aux prestations introductives pour planter le décor de base des discussions. Et après lecture des définitions toutes faites, il est paru plus aisé aux dames de partager leur avis sur la pratique du féminisme en Afrique.
Au bout de la journée initiale l’assemblée féminine est parvenue à faire le point, se faire une idée plus claire du féminisme et n’a pu s’empêcher de mettre en parallèle la compréhension du sujet partant des réalités africaines. Et s’appuyant sur des exemples tirés des sociétés ancestrales. Il est alors apparu que le féminisme africain est différent de l’occidental. Quitte à abonder dans le même sens que Fatou Sow, les débatteuses ont conclu qu’en Afrique, le féminisme équivaut à « reconnaître la place de la femme dans la société, le monde et ses droits ». Plus qu’autre chose, il y est plus question de recherche de « complémentarité, lutte contre les discriminations ».Féminisme, c'est récupérer sa place
Après ces échanges libres, suivis religieusement par Lydia Schellhamer du Goethe Institut, le débat du lendemain s’est orienté sur quatre axes. Le premier basé sur le pouvoir économique quitte à savoir si « l’argent est une question féministe ». La sexualité et la santé de la reproduction se sont invitées dans les discussions. Ce, à travers un sujet à polémique en Afrique de l’Ouest où elles sont de pratique courante, « les mutilations génitales » et que penser des femmes qui clameraient leurs droits de la sorte : « Mes ovaires, ma décision ». L’on a bouclé la boucle sur « Les vagues du féminisme africain ». Pour s’orienter, les participantes encouragées à se documenter sur les grandes figures du féminisme ont trouvé celles qui les paraissaient les plus inspirantes. Pour Do et Myra, bloggeuse, les femmes sont poussées à la revendication à la suite des attitudes machistes des hommes. Des jeunes africaines se mettent au féminisme car leur environnement les y pousse. Bernie Bobina, animatrice télé et radio, quant à elle, a évoqué les préjugés masculins sur le féminisme qui le voient comme un moyen pour la femme de se faire écouter.
Pour les organisatrices la rencontre avait pour but de lever le voile sur le féminisme qui n’a pas vraiment de fans. Tenu la plupart du temps pour un concept occidental dont les contours ne sont pas toujours bien saisis, il leur est paru opportun de réunir des femmes de profils différents dans le cadre de Learning Feminism qui s’emploie à décortiquer le concept question de le rendre plus familier et accessible à l’entendement général.
Orakle s’est réjoui du déroulé des discussions savoir que les profils différents des participantes, à savoir architecte, journaliste, top-modèle, artiste visuel, chanteuse, couturière, policière-juriste, comédienne, commerçante, rappeuse, slameuse, bloggeuse et étudiante a permis un enrichissement sans pareil. Elle a souhaité dès lors poursuivre l’action ainsi entamée : « J’espère qu’il y aura une suite, de sorte que nous puissions aller au-delà du questionnement sur le féminisme, arriver à l’appliquer sainement ».