En dépit des représentations et autres concerts limités à 50 personnes, le spectacle vivant s’arroge le droit de vivre et de nombreux événements voient le jour défiant les règles en vigueur. Un mal pour un bien ?
Depuis mars 2020, devenu une éternité, artistes, techniciens et opérateurs du spectacle vivant ont été logés au Congo-Brazzaville à la même enseigne, celle du néant de leur métier. Pire encore, ils ont été comme oubliés et tout juste ont-ils lu entre les lignes que tous spectacles leur étaient interdits depuis ce maudit mois de mars de l’année passée. Du néant au spectacle survivant, il y eut cependant un pas quelque peu timide autorisant les spectacles limités à un public privé à moins de cinquante personnes devant se plier aux mesures barrières nécessaires. Un pas symbolique pour quitter d’un pied la tombe du « live » dans un pays déjà largement considéré comme le cimetière des artistes. Depuis ? Un cortège d’espoirs, une attente vaine, des interrogations légitimes à voir autour d’eux le monde s’entasser autour des étals de marché ou ailleurs dans d’autres coins de la ville. L’autre pied est resté dans la tombe et le spectacle d’avancer clopin-clopant, trainant la jambe dans une marche quasi funèbre pour que la culture demeure.
Guidés par l’instinct de survie, les concerts reprennent ici et là au grand jour, se libérant de toutes astreintes gouvernementales et c’est peut-être le rôle de la culture d’être subversive au-delà des enjeux de société. Le spectacle vivant lutte ainsi à sa façon contre son agonie, non pas pour défier l’Etat de droit mais simplement pour s’arroger le droit de vivre. Il y a dans cette forme de résilience à faire sauter quelques verrous un bien fait salvateur érigé au nom de l’Art et au service du peuple. Cette fronde, plus qu’une hâche de guerre qu’on voudrait déterrer, vient panser les maux d’un public congolais cherchant à s’évader sainement à travers toutes formes de culture. La subversion culturelle est bien souvent un ensemble de convictions partagées et le porte-voix du peuple, peu enclin parfois à observer des règles jugées trop strictes : « Les artistes ont été en première ligne pour servir de relais quant au risque de propagation de la pandémie. Aujourd’hui, on se pose la question de savoir pourquoi un concert serait-il potentiellement plus dangereux qu’une messe ou qu’un jour de marché. Il nous est pourtant plus facile de prendre la température lors des entrées, d’exiger le port du masque » s’offusque un acteur culturel ayant requis l’anonymat.
A l’heure où les mesures sanitaires pèsent encore de tout leur poids, plus qu’à sévir ou fermer les yeux, il semble opportun, selon l’avis des acteurs culturels, à faire en sorte que tombent quelques barrières pour que la culture ne devienne pas une zone de non-droit. Le Congo s’en porterait-il plus mal à libérer la culture de ses chaînes ?