Côte d’Ivoire : le processus de réconciliation suit son cours normal

Lundi, Août 9, 2021 - 13:10

Après le feu vert donné pour le retour au pays de l’ancien président, Laurent Gbagbo, à la suite de son acquittement par la Cour pénale internationale (CPI) et la rencontre qu’il a eue avec son prédécesseur dans une ambiance chaleureuse, l’actuel chef de l’Etat ivoirien, Alassane Ouattara, vient de faire preuve de clémence envers plusieurs prisonniers à la veille de la fête de l’indépendance. Des gestes qui marquent un apaisement de la vie politique ivoirienne.

La libération des prisonniers - 78 au total - était demandée par les leaders de l’opposition, Laurent Gbagbo et l’ex-président Henri Konan Bédié. Le premier avait évoqué cette question lors de son entrevue le 27 juin avec le chef de l’Etat. Il lui a transmis tout dernièrement une liste de 110 détenus, dont certains sont emprisonnés depuis la crise post-électorale de 2010-2011, et insisté pour que ces derniers qu’il qualifie de « prisonniers d’opinions » soient libérés. Quant à Henri Konan Bédié, il venait d’écrire une lettre à Alassane Ouattara pour lui demander « la libération générale » des prisonniers à l’occasion de la fête de l’indépendance.

Les préoccupations de ces anciens présidents ont été en partie satisfaites, puisque « 69 inculpés détenus » ont été mis « sous contrôle judiciaire ou en liberté provisoire », selon Alassane Ouattara qui a aussi accordé « la grâce à neuf personnes condamnées pour des infractions » commises à l’occasion de l’élection présidentielle d’octobre 2020. « L’examen de la situation d’autres personnes encore détenues se poursuit », a affirmé, le 6 août, le chef de l’Etat qui a annoncé aussi 3000 autres grâces pour des détenus à qui il restait un an ou moins à purger.

La libération des prisonniers est bien accueillie par de nombreux Ivoiriens. « Là où la Côte d’Ivoire l’attendait le plus, c’était sur le geste à faire sur les prisonniers », réagit Hubert Oulaye, président de la plateforme Ensemble pour la démocratie et la souveraineté. « La vraie réconciliation passe impérativement par la libération des prisonniers », estime de son côté Simone Datté, présidente du Collectif des femmes et parents des détenus des crises.

Pour l’analyste politique Sylvain N’Guessan, on peut maintenant « espérer une normalisation de la vie politique en Côte d’Ivoire ».

Plusieurs signes d’apaisement de la vie politique

« Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) se félicite des prédispositions nouvelles du président Alassane Ouattara au dialogue (...). Nous encourageons donc cet esprit de dialogue inclusif », salue N’Goran Djedri, un des dirigeants du PDCI, principale formation d’opposition alliée aux pro-Gbagbo, ajoutant que « les Ivoiriens sentent les lignes bouger en faveur de la paix, de la réconciliation ».

Autre signe de la décrispation en cours, le gouvernement laisse entendre qu’il ne ferait pas appliquer la condamnation de Laurent Gbagbo à vingt ans de prison pour le « braquage » de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest pendant les événements de 2010-2011. Fort de cela, Laurent Gbagbo n’a pas attendu longtemps après son retour de la Hayes pour occuper de nouveau le champ politique : il a rencontré le 10 juillet son ex-rival, Henri Konan Bédié. Les deux hommes affichent depuis lors une certaine unité et se posent en opposants naturels de l’actuel chef de l’Etat.

Il convient aussi de noter que Charles Blé Goudé se verra probablement très bientôt délivrer un passeport pour regagner son pays. Ce pilier du régime de l’ex-président Laurent Gbagbo, dont le retour en Côte d’Ivoire a été retardé, faute de passeport, assure avoir été reçu à l’ambassade ivoirienne à La Hayes pour l’établissement de son document de voyage. Du coup, il salue la « volonté de décrispation » du président Alassane Ouattara, et lui exprime sa « gratitude pour avoir facilité cette première étape qui ouvre la porte de son retour prochain en Côte d’Ivoire en vue de participer physiquement au processus de paix et de réconciliation en cours ».

Malgré la position affichée par les autorités de ne plus juger Laurent Gbagbo et certains détenus, la perspective ne plaît pas à tout le monde, à l’image d’Issiaka Diaby, président du Collectif des victimes de Côte d’Ivoire. « Nous dénonçons l’exécution sélective des décisions de justice en Côte d’Ivoire », souligne-t-il.

La décrispation de la vie politique en Côte d’Ivoire inclut aussi le fait que Simone Gbagbo, condamnée à 20 ans d’emprisonnement pour atteinte à la sûreté de l’Etat, a été finalement libérée en 2018 après sept ans de prison. C’était notamment à la suite d'une amnistie décrétée par le président Alassane Ouattara afin de favoriser la réconciliation nationale.

Nestor N'Gampoula
Notification: 
Non