L’auteur-compositeur, arrangeur, percussionniste et chanteur que l’on a connu aux commandes de l’orchestre Rive Gauche est à Kinshasa pour la production d’un nouvel album. Toujours enclin à créer des styles à sa mesure, depuis l’afro-dance tiré du soukous, un style musical dansant et populaire congolais, il est passé à une fusion de soukous et d’afro-zouk, le « soukouzouk ». Après ces épopées musicales avec son groupe, il se propose à présent de collaborer avec des talents en herbe sur les deux Congo, comme il l’explique au Courrier de Kinshasa.
Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : La musique, la faites-vous toujours sur les deux rives du fleuve Congo ? C’est quoi votre histoire avec Brazzaville ?
Damien Aziwa (D.A.) : Du côté de Brazzaville, il y avait le groupe Loketo dont je suis cofondateur. Depuis la rue Mbochis, nous avons commencé avec Aurlus Mabele et Mav Cacharel, Ndimbola Lokole qui est devenu Loketo dont j’ai fait partie depuis Brazzaville. Arrivés en France pour les études, nous nous sommes retrouvés avec Aurlus Mabele et nous avons connu l’évolution que tout le monde sait. Mais je suis toujours sur les deux rives, c’est cela mon problème ! Je suis Zaïko, cela peut-être un atout. Lorsqu’on parle de Demi-Dakar, je me sens concerné mais pas vexé. C’est une richesse par contre de pouvoir se positionner ainsi entre les deux rives. Quand je suis avec des grands hommes de la culture africaine, on ne se pose pas de questions là-dessus. On est artiste, nous évoluons dans le monde de la culture, point barre ! Le plus important, c’est de travailler à l’évolution de notre culture.
L.C.K. : Pourriez-vous nous éclairer sur la raison de votre séjour à Kinshasa ?
D.A. : Je prépare ma propre production à Kin. Le prochain album, j’ai décidé de le produire ici. D’habitude, j’enregistre à Paris, à Londres ou un peu partout mais cette fois, j’ai décidé de tout faire ici à Kinshasa et à Brazzaville où j’ai envie de collaborer avec des artistes qui font du coupé-décalé. Je ne sais pas ce que cela va donner, c’est un challenge.
L.C.K. : Qu’avez-vous en tête de réaliser particulièrement à Kinshasa ?
D.A. : Ici, j’ai décidé de faire quelque chose de spécial sans monter un orchestre. J’ai fait une sélection d’artistes avec qui je vais évoluer. Je vais produire cet album avec eux, on va voir ce que cela va donner. Si ensuite il y a des tournées et des concerts qui suivent, car j’ai fait l’Afrique de l’ouest pendant très longtemps, je vais alors constituer un orchestre avec les musiciens qui m’auront accompagné.
L.C.K. : À quoi devrait-on s’attendre pour cet album, sera-t-il de tendance rumba, soukous ou coupé-décalé ?
D.A. : Je vais faire un peu des deux, rumba et coupé-décalé, parce que je faisais essentiellement le soukous avant, maintenant, je vais pouvoir me lancer dans la rumba pure. L’actuelle et classique et y mêler d’autres rythmes du Nigéria parce qu'à Londres, je travaille avec des artistes nigérians et j’ai développé une sensibilité par rapport à ses sonorités-là. Je suis un petit peu faiseur de rythmes. Quand je travaille avec eux, c’est pour leur apporter cette touche congolaise dont ils ont besoin même si ils n’en parlent pas beaucoup.
L.C.K. : Faiseur de rythmes, votre fort c’est plus l’arrangement que le chant…
D.A. : Plutôt l’arrangement, oui ! J’écoute et je fais en sorte d’apporter la touche dont on a besoin mais je chante aussi. J’ai été dans Loketo et avec Kanda Bongo Man pendant plusieurs années.
L.C.K. : Si on devrait vous rappeler au bon souvenir des Kinois, que devrait-on dire à votre propos ?
D.A. : Je pense que quelques-uns se souviennent de moi. Quand je suis arrivé, j’ai formé le premier, Rive gauche. J’avais récupéré Soleil Wanga, le soliste titulaire de Zaïko et d’autres musiciens que par la suite Kester Emeneya a pris avec lui et l’animateur de JB Mpiana, Cellulaire, qui est décédé, paix à son âme.
L.C.K. : Pensez-vous travailler aussi avec des vedettes de Kinshasa, des jeunes talents qui percent en ce moment ?
D.A. : Kinshasa c’est une pépinière, il y a tellement de talents ici que je n’ai pas besoin de courir après des artistes connus. Même si au Congo ici je suis un peu méconnu mais lorsque j’arrive en Zambie, Tanzanie, Malawi, Côte d’Ivoire, les gens se souviennent, savent qui est Damien Aziwa. Je ne suis pas en train de chercher spécialement un featuring, j’ai envie de travailler avec des artistes que je vais forcément lancer au bout d’un moment. Il y a beaucoup trop de talents ici qu’il n’y a pas intérêt à ne s’attacher qu’aux plus connus. Ce n’est pas ainsi que je conçois les choses.