Portrait : Bill Kouelany, une âme pleinement consacrée à l'art...

Vendredi, Septembre 3, 2021 - 14:29

Francesco De Sanctis, en son temps ministre italien, a dit : "La simplicité est la forme de la vraie grandeur ". Aussi vrai qu'il faut de peu pour faire un monde, il suffit en réalité d'être mué par une vocation, une réelle passion pour créer un monde là où il n'y a que désert et désespoir. Portrait d'une femme qui a pu bâtir un empire et susciter de l'espoir là où on ne s'y attendait plus, dans la plus pure des authenticités.

 

Née en 1965 à Brazzaville, au Congo, Bill, ressentant tôt dans son ADN la fibre artisitique qu'elle se projette de concrétiser dans le cinéma, notamment dans la réalisation de films, se trouve attirée par la peinture à laquelle elle ne se prédestinait pas. Découvrant par pur hasard une exposition à l'ex-Centre culturel français de Brazzaville, actuel Institut français du Congo, elle tombe en plein dans la marmite de la peinture en participant aux ateliers qui y sont proposés.

Profondément influencée par l'écriture de Tchicaya U Tam'si, écrivain congolais qu’elle décrit du fait de la sensibilité qu'il rend dans ses oeuvres comme un écorché vif, elle retranscrira cette même sensibilité mêlée comme en union sacrée à son âme.  Cette sensibilité, elle l'exprimera sur ses peintures qui représentent la douleur et la torture d'une existence dans un corps dont elle va explorer les souffrances muettes ; si profondément ancrées et voilées par les mots, que seul son art parvient à porter et à retransmettre, douleurs et tortures que porteront aussi son pays lacéré par la guerre civile en 1997.

Son art, si intime, faisant écho aux ténèbres que chaque être humain peut ressentir et ne jamais exprimer, va lui valoir une reconnaissance internationale. Elle sera primée en 2006 du Prix de la Francophonie en France et du Montalvo Arts Center aux Etats-Unis ; élevée au rang d'officier d'arts et des lettres par le ministre français de la Culture et recevra en 2019 le Prix Prince Claus aux Pays-Bas.

Elevée en dignité par ces différentes reconnaissances et enrichie d'innombrables expériences et échanges artistiques, Bill reste attachée à ses racines. La découverte de la peinture qui fût pour elle tout à fait fortuite a pourtant permis sa révélation à elle-même et aux autres et ce, grâce aux ateliers de peinture pour lesquels elle a ressenti une attraction viscérale. A son tour, elle a souhaité transmettre le flambeau, offrir l'opportunité aux jeunes artistes africains en général et Congolais en particulier de se révéler eux aussi à eux-mêmes et au monde.

Elle crée alors Les Ateliers Sahm en 2006 à Brazzaville ; un centre d'arts qui sert à la fois d'espace d'exposition, d'échanges mais aussi de pépinière d'artistes et qui se veut avant tout convivial et calqué sur le mode de vie des Brazzavillois.

Depuis leur création, les Ateliers Sahm ne cessent de porter et de révéler aux Brazzavillois des artistes qui n'étaient jusque-là que très peu promus, leur donnant l'occasion d'échanges continentaux et internationaux pour une large diffusion de leurs œuvres, contribuant à l'exportation du cru congolais vers le monde.

Dans un pays qui a été saigné par la guerre et différents évènements tragiques, dans lequel les artistes et leur art se font par eux-mêmes et échouent pour la majorité désespérément sur le rivage de leurs rêves et de leurs espoirs, voir une femme qui a consacré sa vie et aujourd'hui consacre sa reconnaissance à la promotion des arts congolais suscite de l'admiration. Que son authenticité soit encore la meilleure des valeurs qu'elle pourra de façon tacite transmettre à ses poulains.

Princilia Pérès
Légendes et crédits photo : 
Photo: L'artiste Bill Kouelany
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