Allemagne/Afrique : l’ère Angela Merkel touche à sa fin

Lundi, Septembre 6, 2021 - 13:00

La chancelière allemande de 67 ans a réalisé depuis 2005 quatre mandats successifs. Une longévité au pouvoir exceptionnelle et une popularité toujours au beau fixe. En 2020, elle a confirmé son désir d’arrêter la carrière politique. Son successeur à la tête de son parti, la CDU, a été élu en janvier dernier. Bilan de son apport en Afrique.

Angela Merkel est au pouvoir depuis 2005 et a décidé de se retirer à la fin de son mandat. Ce retrait intervient après seize ans et quatre mandats à la tête de la chancellerie allemande. Elle cèdera son poste fin septembre, après les élections fédérales. La chancelière a vu défiler quatre présidents américains et quatre présidents français, cinq Premiers ministres britanniques et huit présidents du Conseil des ministres italiens. A la fin de son quatrième mandat, Angela Merkel entrera dans l'Histoire pour sa longévité et égalera le record d'Helmut Kohl, resté au pouvoir pendant seize années.

Le  « Compact with Africa[CwA] », un changement de paradigme

Dans ses relations avec l’Afrique, Angela Merkel a rencontré les dirigeants africains pour dresser le bilan de l’initiative « Compact with Africa[CwA] », dans le cadre du G20 en août, à Berlin. Elle a placé l’Afrique au cœur de l’agenda des plus industrialisés, amorçant un changement de paradigme dans la politique de développement, associant d’autres pays européens. L’idée du CwA est de favoriser les investissements privés dans les pays africains, tout en laissant le soin à ces derniers de définir leurs projets de développement, à travers l’expertise, les financements et les garanties des institutions financières internationales. « Plutôt qu’un plan Marshall, c’est un plan Merkel », dira le président ivoirien, Alassane Ouattara. Mais les vraies bases du CwA de la chancelière date de 2015. Elle veut faire de l’Afrique un « continent d’intérêt », à travers des investissements privés.

Le CwA, une calque du « plan Marshal »

Angela Merkel dira, lors de la présentation de cette initiative : « S’il y a trop de désespoir en Afrique, les jeunes vont aller chercher une nouvelle vie ailleurs ». Elle va centrer son initiative sur les causes de l’immigration plutôt que d’en subir les conséquences, et mettre la croissance comme réponse à son défi. Son « plan Marshall pour l’Afrique »  va être calqué sur le modèle de l’aide apportée par les États-Unis à l’Europe après-guerre. Cette stratégie de la lutte contre les causes de l’immigration va donner rapidement des résultats. Dès 2018, les investissements allemands vont dépasser dix milliards d’euros (10 % de hausse un an), détrônant la France comme premier fournisseur européen en Afrique.

Le CwA  défend les intérêts des entreprises allemandes

Berlin va également défendre les intérêts des entreprises allemandes, tout en lançant un fonds d’un milliard d’euros pour soutenir les PME européennes, jusqu’à la mise en place d’une logique d’investissement à long terme. Cette approche se révèle gagnante pour les industries et les équipements technologiques allemands. Puis, Angela Merkel va effectuer une tournée en Afrique de l’ouest et en Afrique du Sud, où la Banque allemande de coopération en charge du secteur privé, va ouvrir des bureaux, avec comme objectif de devenir le premier investisseur industriel en Afrique.

Le bilan mitigé du CwA

A trois semaines du départ d’Angela Merkel, le bilan de l’initiative CwA reste mitigé. Les entreprises allemandes actives sur le continent sont de taille moyenne ; et si la croissance a été significative en 2018 et 2019, elle n’a pas décollé depuis la crise sanitaire.  « Je ne veux pas brosser un tableau trop positif », avait déclaré la chancelière, ajoutant: « Nous avons encore des problèmes à résoudre, notamment la sécurité dans le Sahel et la croissance démographique ». Aucun chiffre n’est encore disponible pour 2020, en raison de la pandémie. Berlin a dû aussi faire face à certains obstacles à l’investissement public et l’aide concessionnelle en Afrique. Du côté africain, on se plaint de la cherté des produits allemands - certes réputés pour leur haute qualité.

« Compact with Africa » et l’après-Merkel

« A la suite de la pandémie de covid-19, les défis économiques pour l’Afrique se sont considérablement accrus, entraînant une baisse de la croissance économique et de l’emploi. Les IDE sont également touchés et sont en même temps critiqués pour avoir peu d’effets sur l’emploi sur place », souligne la Fondation Friedrich-Ebert. Environ vingt millions de nouveaux emplois sont nécessaires chaque année pour compenser la seule croissance démographique. L’association économique germano-africaine estime qu’il faut faire dix fois plus qu’aujourd’hui. « Le nouveau gouvernement fédéral doit donc avant tout apporter du capital-risque et utiliser les fonds de développement pour garantir la sécurisation des projets entrepreneuriaux », suggère le regroupement d’acteurs privés et d’institutions publiques. En conclusion, CwA n’aurait pas pu tenir  toutes ses promesses. Les investissements privés ont été en deçà des attentes des pays africains, et n’a pas apporté la bonne réponse aux conséquences économiques de la pandémie. On évoque un besoin de coopération étendue au-delà des investissements privés des grandes entreprises et la mise en compte des objectifs de développement durable.

Noël Ndong
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