Le président du Comité scientifique de la rumba congolaise, le Pr Goma Thethet, et le musicographe Charles Bouetoum ont animé, le 5 octobre, à l’Institut français du Congo, dans le cadre du 141e anniversaire de Brazzaville, une conférence-débat autour de l’aperçu de l’histoire de la rumba congolaise. Ces intervenants se battent pour promouvoir et inscrire la rumba congolaise au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Les deux conférenciers ont tour à tour édifié le public sur la rumba congolaise des années 1930 jusqu’à nos jours. Le Pr Goma Thethet a retracé, dans sa communication, l’historique de cette musique qui, pour certains chercheurs, est cubaine mais dériverait du terme Congo kuba, par lequel les Afro descendants cubains désignent le nombril. Par ailleurs, le Comité scientifique conjoint des deux Congo a écrit, dans son dépliant, que la rumba tire ses origines des traditions musicales congolaises et des apports exogènes. Elle émerge dès les années 1930 à Brazzaville et Léopoldville où s’entremêlent les traditions musicales de diverses communautés. Après avoir conquis le monde à partir de 1932, la rumba cubaine est revenue en Afrique, portée par la musique caribéenne avec des voix des chanteurs métropolitains.
Des entreprises d’éditions phonographiques s’installent opportunément à Léopoldville entre 1946 et 1956. Parmi elles, Olympia, Mgoma, Opika, Loninguisa, Esengo, Cfa. Dès lors, plusieurs formations musicales prennent successivement leur envol et assurent l’affirmation de la rumba comme identité artistique des deux Congo, envahissant ainsi l’Afrique. Beaucoup des indépendances de nombreux pays africains sont célébrées aux rythmes et aux sons de la rumba congolaise portée par les orchestres Africa jazz et les Bantous de la capitale. Actuellement, cette musique demeure un art populaire majeur dont l’originalité ne se conteste nullement au milieu d’autres courants musicaux.
« La plupart des grands musiciens qui ont commencé l’épopée de la rumba congolaise sont généralement nés hors de Kinshasa, tels que Kabaselé, Moundanda et les autres. Ils sont arrivés à Kinshasa avec leur patrimoine traditionnel. Aussi, les apports coloniaux à travers les chants des scouts, les chorales religieuses, les fanfares, les chansons populaires françaises des années 1940, les danses venues de l’Afrique de l’Ouest, les rythmes des Etats-Unis, notamment le Jazz. Dans tous les orchestres des deux Congo, le terme jazz réapparaît. Les artistes et les mélomanes congolais des deux rives l’ont adopté. L’originalité de la rumba congolaise puise ses sources à la musique venue des Etats-Unis, des Caraïbes et des apports aussi bien des traditions coloniales que des autres africains sans oublier le terroir congolais. De la rumba sont nées beaucoup de musiques », a fait savoir le professeur .
Au moment des indépendances, la rumba congolaise a déjà ses lettres de noblesses, connue à travers l’Afrique et le monde. Joseph Kabaselé, en accompagnant les politiciens du Congo belge à la table ronde de Bruxelles, a permis que la rumba congolaise soit connue non seulement en Belgique mais aussi à Paris et ailleurs. Cela a permis également une grande rencontre avec Manu Dibangu et les autres musiciens venus d’autres horizons. « En 1960, Kabaselé et les Bantous de la capitale font porter à travers l’Afrique cette musique et elle va donc s’implanter partout dans le reste du continent. Les Bantous ont été les ambassadeurs culturels du Congo parce que l’abbé Fulbert Youlou les envoyait pour jouer aux indépendances des autres pays francophones », a expliqué le président du Comité scientifique de la rumba congolaise, Goma Thethet.
Pour sa part, l’historien et musicographe Charles Bouetoum a parlé de la rumba congolaise des indépendances jusqu’à nos jours. Ce sont des rendez-vous internationaux qui font que la musique congolaise soit présente pas seulement au pays mais partout ailleurs, notamment aux Jeux africains en 1965, au Festival mondial des arts nègres à Dakar en 1966, au Festival culturel panafricain d’Alger. La danse " Le boucher" des Bantous de la capitale va propulser la rumba et va alors amorcer l’accélération du tempo metromemix.
C’est à partir de 1965 que la rumba saccadée prend place en Afrique. A l’instar de la danse " Le boucher", il y a "Kirikiri", "Yekéyeké", "Soucousse". La rumba "Soucousse" a été à l’honneur en 1970 à l’Olympia, lors du concert du seigneur Rochereau. Après la décennie 1960 jusqu’aujourd’hui, les nouvelles générations ont saisi cette rumba saccadée. Elles vont la maintenir et accentuer sa visibilité grâce à l’animation. Les jeunes musiciens imposent une certaine façon de danser, toutes ces déclinaisons vont se succéder à l’infini. « Les anciens musiciens de l' Ok jazz, des Bantous de la capitale et autres orchestres pratiquent encore cette rumba originale, pure. Cette rumba n’a pas disparu, elle n’est pas engloutie par des vagues successives, la rumba congolaise est éternelle », a signifié Charles Bouetoum .
La conférence débat a été suivie d’un vernissage de l’exposition "La rumba congolaise à Brazzaville".