La librairie Les Manguiers des Dépêches de Brazzaville a abrité, pendant trois jours, d’intenses moments littéraires à l’occasion de la cinquième édition de la Rentrée littéraire du Congo (Rélico), organisée par le PEN Centre Congo Brazzaville en partenariat avec la librairie Les Manguiers, l’Association culture Elongo et la Fondation Mfumu Fylla (l’altruiste) avec le soutien de l’Unéac, les 7, 8 et 9 octobre.
Peu avant la clôture de la cinquième édition, s’est tenue une table ronde portant sur le thème « Mfumu, toujours présent dans nos pensées », animée par le Pr Grégoire Lefouoba et Emma Mireille Opa Elion. Au cours de cette table ronde, ses animateurs ont présenté feu Mfumu, comme un généreux, un rigoureux et un respectueux de la parole donnée. De “Kitoko” à “Mfumu” en passant par “Vieux Beau”, ce qu’a été ce citoyen du monde.
« Je retiens de Mfumu qu’à chaque discussion avec lui, il vous apportait quelque chose de nouveau sur Brazzaville. Je viens d’apprendre aussi avec Dominique Douma qu’en 1962, le Congo avait connu une guerre avec le Gabon. Mfumu me rappelle Atondi Lécas. Avec ce professeur vous parlez une heure avec lui, vous apprenez quelque chose de Brazzaville. Avec Mfumu on apprenait toujours. Il a démissionné trois fois dans sa vie professionnelle. Il avait un côté révolutionnaire, parce qu’il voulait certainement que les choses soient droites tel qu’il voulait que ça se passe, ou c’est le monde en face qui ne reflétait pas ce qu’il voulait voir ? Je garde des bons souvenirs de Mfumu. Il restera et reste dans nos mémoires toutes les fois que Brazzaville, au mois d’octobre, célébrera son anniversaire », a évoqué Emma Mireille Opa-Elion.
Mfumu, a-t-elle poursuivi, est un grand maillon dans la chaîne de l’histoire de Poto-Poto, de Brazzaville, du Congo, de la République démocratique du Congo (RDC), de la République centrafricaine, du Bénin ou du Ghana où il devait aller. Il reste le citoyen du monde. « Avec lui, je ne sais pas s’il savait parler ethnie, je ne pense pas. Je garde un bon souvenir de lui. Il reste cet illustre personnage qui a donné aux étudiants l’amour ou l’envie de la réussite. Il a donné aux gens autour de lui l’envie de toujours mieux faire. Je dis tout simplement merci à cet illustre personnalité », a témoigné Emma Mireille Opa Elion.
Mfumu le dompteur du temps
Evoquant Mfumu, le Pr Grégoire Léfouoba a dit que l’usage du temps est un art difficile à dompter. « Mon ami que j’avais surnommé “Voltaire” avait su dompter son temps, il avait colonisé sa vie en s’imposant un horizon… indépassable, celui du beau et du vrai. Ils étaient les leviers de sa vie. Il cherchait régulièrement l’origine humaine de la niaiserie. A lui seul, il était l’industrie du savoir et du savoir-faire, il s’alimentait d’une jactance volontaire à l’endroit de certaines personnes pour les faire taire parce que réputées des hommes de peu. Je ne dirai rien de ce qu’il était, car il s’était dévoilé lui-même à l’humanité comme un homme qui exprimait une faiblesse en face de la philia (amitié chez les Grecs). Il en était son incarnation et sa forme achevée », a-t-il laissé entendre.
Devant le beau, a-t-il ajouté, Mfumu était fier. Il avait en lui un mélange de jactance, d’orgueil et de fierté. L’honneur était le pallier essentiel de sa dignité. Il ne pouvait laisser à personne le droit de lui manquer de respect et pour quelques petits services rendus, il avait des principes fonctionnels qui semblaient le présenter comme un être difficile. Son écriture sécurisait. Sa concision la rendait imbattable. Le Pr Grégoire Léfouoba a raconté une anecdote sur Mfumu. « Un jour, Mme Ninelle Ngouélondélé nous avouait que pour lire “Grand Beau” il fallait toujours avoir un dictionnaire… Un homme confiné avant l’heure. Il était “Kant” pour sa discipline et sa rigueur intellectuelles. »
Fondateur de la Revue Histoire et Mémoire dont il était le directeur, il considérait l’histoire comme un lieu d’élaboration théorique du vécu humain. Il s’en est allé accomplissant pour les deux Congo, ce qu’il savait le mieux faire, dans le domaine de l’herméneutique de la chanson qui arrose la rumba. En sa qualité de président du Comité scientifique du Congo-Brazzaville, il a contribué à unir les élites des deux Congo, à Kinshasa. Mfumu est la référence dans le domaine de l’histoire de l’art musical, très respecté et adulé. Il était le pont intellectuel des deux villes siamoises : Brazzaville et Kinshasa. L’homme souffrait d’un seul “complexe”, celui de supériorité, ce qui l’éloignait de l’envie et de la jalousie. Il n’était pas altruiste, il était l’altruisme-même.
« Nous étions des amis, mais je reste ami de nos souvenirs, les siens il les a emportés et les miens sont dans vos regards. A votre question, celle de Donald, de Nick et de mère Pipa, comment ai-je pu être son ami ? Mfumu avait donné la réponse suivante à sa petite sœur, mère Pipa « J’ai des qualités de Greg et Grégoire à les défauts de Mfumu » », a déclaré le Pr Grégoire Léfouoba.
Clôturant la cinquième édition de la Rélico, son coordonnateur, Florent Sogni Zaou, a remercié tous les participants et récipiendaires, tout en reconnaissant que la cinquième édition s’est tenue avec succès. Elle s’est ouverte par la riche leçon inaugurale du Pr André Patient Bokiba, suivie de neuf tables rondes. Ces tables rondes ont connu dans l’ensemble la participation de 233 personnes pour les deux premiers jours, soit 290 pour les trois jours, a-t-il précisé.
Avant de fixer les amoureux du livre que « la cinquième édition ne nous laisse pas orphelins. Elle nous met de manière automatique entre les mains de la sixième édition de la Rélico que nous prévoyons pour les 6, 7 et 8 octobre 2022 dans une localité à choisir ».