Représentée par sa plus haute autorité, la République du Congo participe activement aux travaux de la 26e Conférence internationale sur le climat (COP 26), qui se poursuivent à Glasgow, en Ecosse. Dans un entretien exclusif avec Les Dépêches de Brazzaville, la ministre congolaise de l’Économie forestière, Rosalie Matondo, revient sur les progrès réalisés par son pays ces dernières années en matière de gestion forestière et les attentes vis-à-vis des partenaires au développement.
Les Dépêches de Brazzaville (LDB) : Quels sont les principaux défis de la conservation de la biodiversité en République du Congo ?
Rosalie Matondo (RM) : Je tiens tout d’abord à vous remercier, pour cette opportunité que vous m’offrez de m’exprimer sur des sujets d’actualité. À titre de rappel, la tradition de conserver la biodiversité dans notre pays remonte à l’époque coloniale, avec la création du premier parc national en 1935, le Parc national d’Odzala. Notre pays compte officiellement dix-sept aires protégées, qui couvrent une superficie de 3 889 370 hectares, soit 11,37% du territoire national. À côté de cette approche de conservation basée sur la création des aires protégées, la conservation de la biodiversité a été étendue aux forêts de production, notamment à travers les séries de conservation et de protection définies dans les plans d’aménagement des concessions forestières.
Malheureusement, de tout temps, les partenaires qui accompagnent le gouvernement à mettre en œuvre sa politique de conservation ont privilégié la conservation pure et dure, basée sur la recherche et la répression, sans actions bénéfiques entreprises en faveur des communautés locales et la population autochtone.
Au regard de ce qui précède, les principaux défis à relever sont la mise en place des mécanismes de financement durable afin de financer la surveillance ; la lutte anti braconnage ; le développement des activités génératrices des revenus pour la population locale et les infrastructures nécessaires pour la promotion de l’écotourisme ; le parachèvement d’ici à 2025 de l’aménagement des concessions forestières et des aires protégées, afin d’étendre l’assiette de conservation et capitaliser les financements des partenaires concessionnaires forestiers.
L.D.B : Depuis plusieurs années, le gouvernement congolais, sous l’impulsion du président de la République, exécute un programme national d’afforestation. Qu’en est-il des progrès réalisés à ce jour ?
R.M : Le Programme national d’afforestation et de reboisement (Pronar), lancé en 2011, a permis à ce jour de réaliser un million d’hectares identifiés à travers le pays pour les projets de reboisement ; 700 000 d’hectares prospectés ; 76 350 d’hectares sécurisés ; cinq baux emphytéotiques signés avec les investisseurs pour une superficie de 435 292 hectares ; 2 500 hectares installés aussi bien dans les domaines privés de l’Etat que des partenaires industriels.
Il a aussi permis l’impulsion de l’économie verte couplée à la sauvegarde de la biodiversité et la lutte en plein contre les changements climatiques au profit des communautés rurales, à travers la mobilisation des capitaux extérieurs, notamment ceux du Fonds vert pour le climat et de l’Initiative des forêts d’Afrique centrale (Cafi). En plus, près de 17 000 hectares de plantations forestières et agroforestières sont attendus à partir de l’année prochaine pour les besoins de production de bois énergie dans les grandes agglomérations de notre pays, au profit des petits agriculteurs, pour un coût total d’investissement de 36 millions de dollars.
L.D.B : Quel est le niveau de participation des organisations de la société civile et de la population locale dans ces initiatives ?
R.M : Notre département ministériel compte parmi les institutions pionnières à collaborer avec les organisations de la société civile (OSC) et les Communautés locales et population autochtone (CLPA). Des plateformes des OSC ont vu le jour, depuis l’an 2000, pour mieux s’affirmer dans l’engagement commun de la gestion concerté des ressources forestières, par le biais de la plateforme pour la gestion durable des forêts et le cadre de concertation des ONG intervenant dans la Redd+.
En lien avec la conservation de la biodiversité, effectivement notre pays a signé des partenariats publics-privés avec des ONG internationales (WCS, WWF, Noé, APN) pour assurer la gestion financière et technique de ces paysages. Notre vision est de faire évoluer le modèle actuel, en y associant l’aménagement des aires protégées pour accentuer les financements des infrastructures et donner ainsi la chance à la promotion de l’écotourisme dans notre pays.
L.D.B : Le Congo est, par ailleurs, engagé dans plusieurs initiatives internationales. Quel est le niveau de la mise en œuvre de ces différents engagements ?
R.M : Au niveau du processus REDD+, la phase 1 dite de préparation entamée en 2013 s’est achevée depuis 2018. Nous sommes au stade de la mise en œuvre des deux autres phases, à savoir la phase d’investissement qui s’est concrétisée, le 3 septembre 2019, par la signature à Paris de la lettre d’intention entre le Congo, représenté par le président Denis Sassou N’Guesso, et Cafi, représentée par Emmanuel Macron, président de la République française.
Pour ce qui est du Fonds vert climat, notre pays est l’un des premiers dans la sous-région à bénéficier d’un financement de cette institution dans le cadre du projet de réduction des gaz à effet de serre issus des forêts dans cinq départements. Dans le cadre de ce projet, il est prévu la mise en place de 14 000 hectares de plantations forestières et agroforestières dans la Bouenza, le Pool, les Plateaux, la Cuvette et le Niari. Des progrès remarquables ont été réalisés par le Congo dans la mise en œuvre des autres projets.
L.D.B : Quels sont les messages du gouvernement à cette COP26, en matière d’appui à la politique nationale de protection forestière, de promotion des aires protégées et de soutien à la population locale ?
R.M : Les messages de la République du Congo à la COP26 ont été portés par le chef de l’État. Ils sont focalisés sur la reconnaissance des efforts fournis par nos pays en matière de gestion durable et l’appel au respect des engagements pris par les pays du nord dans le cadre de l’Accord de Paris, relatifs au soutien et à l’appui des pays du sud en matière de financement du processus de gouvernance forestière, de gestion durable des forêts, de conservation de la biodiversité et de développement des plantations forestières et agroforestières.
Ce qui inclut, par exemple, l’opérationnalisation de la stratégie nationale de lutte contre le braconnage, pour ce qui est de la conservation de la biodiversité.
L.D.B : Un mot sur l’accord avec l’Union européenne et les paiements pour services écosystémiques ?
R.M : D’abord, l’engagement de notre pays dans l’Accord de partenariat volontaire, signé en 2010, avec l’Union européenne pour la gouvernance, l’application de la loi et le commerce du bois, nous a permis de réaliser un long parcours 2013. J’appelle les Congolais à saisir l’opportunité qu’offrent les paiements pour services écosystémiques, pour participer à l’effort national de gestion durable, en créant des plantations forestières en savane pour stocker du carbone.