Militarisation de l’espace : l’opération se concentre sur la destruction de satellites rivaux

Lundi, Décembre 6, 2021 - 16:58

Aux problèmes qui sévissent dans le monde, dont le dérèglement climatique qui ne trouve toujours pas de solutions appropriées et génère de sérieuses inquiétudes même après le récent sommet de Glasgow, s’ajoute depuis un certain temps une autre action destructrice majeure pour la planète : la course aux armements dans l’espace. La question fait couler beaucoup d’encre et de salive depuis la destruction par la Russie, à la mi-novembre, d’un de ses satellites, provoquant, selon des experts, un nuage de débris potentiellement dangereux pour l’équipage de la Station spatiale internationale et la station spatiale chinoise.

L’acte de Moscou sert de nouvelle illustration de la course aux armements dans l’espace, qui se concentre aujourd’hui sur la capacité de détruire les engins orbitaux des nations rivales. Il met en lumière les risques d’une militarisation du cosmos, où les satellites potentiellement armés de bombes et les vaisseaux spatiaux à tir laser ne sont plus seulement de la science-fiction.

Depuis, l’incident relance les craintes de voir l’espace se transformer en un champ de bataille entre grandes puissances, avides d’expérimenter de nouvelles technologies militaires. A ce sujet, des experts estiment que détruire des satellites ou mener une offensive dans l’espace peut certes se révéler un atout militaire stratégique, mais le développement de telles capacités risque d’entraîner une course aux armements aux conséquences imprévisibles. Ils en appellent aux sens des responsabilités des dirigeants des grandes puissances et rappellent que le domaine spatial civil est l’un des ultimes secteurs où Américains et Russes entretenaient une coopération relativement apaisée, même s’ils s’opposent dans de nombreux dossiers internationaux. Malgré cela, des tensions sont apparues ces dernières années parce que Moscou et Pékin disent vouloir approfondir leur collaboration spatiale face aux puissances occidentales.

La Russie et la Chine ont développé des satellites qui peuvent être manipulés pour interférer physiquement avec d’autres, selon Brian Chow, un analyste indépendant de la politique spatiale. Avec des bras robotiques, « ils peuvent traquer le satellite adversaire et le déplacer, ou plier une antenne pour le rendre inutilisable », affirme-t-il. Ce qui confirme une inquiétante révélation faite par le général Jay Raymond, commandant de la Force de l’espace américaine, selon laquelle, en février 2020, deux satellites russes récemment mis en orbite traquaient un satellite espion des Etats-Unis.

Le Traité de l’espace violé par les grandes puissances militaires

« Cela pourrait créer une situation dangereuse dans l’espace », prévient le haut gradé américain, alors qu’il est aussi avéré que d’autres armes en développement, au sol cette fois, visent à brouiller les signaux des satellites et à les endommager.

La militarisation de l’espace ne date pas d’aujourd’hui. Elle est aussi ancienne que la course au cosmos elle-même puisque dès la mise en orbite de Spoutnik, en 1957, Washington et Moscou ont cherché des façons d’armer et de détruire des satellites. Dix ans plus tard, soit en 1967, les superpuissances et d’autres pays ont signé le Traité de l’espace, interdisant la mise en orbite d’armes de destruction massive. Ce qui n’a pas empêché la Russie, les Etats-Unis, la Chine, et même l’Inde, d’étudier les moyens de se battre dans l’espace en dehors de cet accord. Aujourd’hui, cette course aux armements se concentre sur la destruction de satellites rivaux, toujours plus essentiels aux armées pour la communication ou la surveillance.

La compétition a pris de l’ampleur depuis que le Pentagone utilisa en 1985 un missile pour détruire un satellite lors d’un test réussi. Ce qui a permis à ses rivaux de chercher à montrer qu’ils ont les mêmes compétences : la Chine l’a fait en 2007, l’Inde en 2019. Quant au récent tir de la Russie sur son propre satellite, il n’est pas une surprise pour beaucoup d’experts. Et évoquant cet acte, Isabelle Sourbès-Verger, spécialiste des politiques spatiales au Centre national de recherche scientifique, souligne que « les Russes n’avaient pas besoin de faire exploser le satellite pour démontrer qu’ils avaient la capacité de le faire ».

Il convient de signaler que la France est le seul Etat européen à avoir rejoint les trois pays possédant les systèmes les plus avancés de renseignements d’origine électromagnétique, les Etats-Unis, la Russie et la Chine. Paris fait dorénavant partie de ce club très fermé pour avoir placé en novembre dernier en orbite trois satellites militaires ayant pour mission de détecter des batteries de défense anti-aérienne ou des centres de communication ennemis n’importe quand partout dans le monde.

Nestor N'Gampoula
Notification: 
Non