Afrique-Europe : les Africains appelés à choisir leurs partenaires géopolitiques ou géoéconomiques

Jeudi, Décembre 9, 2021 - 12:10

« Agenda 2063 : à la recherche du business model africain », tel était le thème des quatorzièmes rencontres Europe-Afrique de l'Institut Aspen France, en partenariat avec la Banque mondiale.

Les quatorzième rencontres Europe-Afrique de l’Institut Aspen France se sont déroulées à la Fondation Mérieux à Annecy, en France. Cette initiative pionnière d’un dialogue solidaire, entre les deux continents, a vu la participation de personnalités africaines et européennes de premier plan, ainsi que des experts.  L’événement était présidé par l’ancien directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Pascal Lamy, avec participation de chefs d’entreprise, bailleurs de fonds, économistes ou dirigeants européens et africains.

Pascal Lamy note, dans une interview accordée au magazine "Le Point Afrique", la force du secteur informel dans la naissance des initiatives entrepreneuriales.  Mais tout ceci demande du temps et la prise en compte de certaines spécificités. Il répondait à une question sur le business model adapté à l’Afrique. Il reconnaît la pertinence des environnements règlementaires, juridiques et politiques « plus ou moins favorables au développement des entreprises », le développement du tissu d’entreprises se faisant plutôt « organique ».

Pour « un environnement le plus inclusif possible » en Afrique

L'ancien directeur général de l'OMC définit un  « environnement plus inclusif » en Afrique comme tel, devant prendre en compte l’éducation et des systèmes de réduction de l’insécurité sociale. Ce qui suppose des ressources publiques assises sur la croissance de l’économie et en particulier du secteur formel. Il préconise comme méthode le cadre politique lié aux progrès de la démocratie - bonne gouvernance, respect des Constitutions, lutte contre la corruption, avec l’adhésion de la population -, et l’application des fonctions régaliennes que sont la justice, la police, les armées, « pour une fiscalité efficiente ». Il note, cependant, que les systèmes africains sont faiblement dotés, à cause de faibles prélèvements obligatoires et du développement insuffisant de l’économie formelle. « Ce ne sont pas les ressources publiques qui créent l’économie, c’est l’économie qui crée les ressources publiques », rappelle l’ancien patron de l’OMC. Il souligne qu’il est long de passer du secteur informel au secteur formel, mais c’est souvent dans le secteur informel que naissent des initiatives entrepreneuriales. 

L’Europe et l’Afrique face à l’éducation, la santé, la sécurité et l’économie

Pour lui, il revient aux Africains de dire si l’Europe est leur problème géopolitique ou géo-économique numéro un. Par contre, pour l’Europe, l’Afrique est le problème géopolitique ou géo-économique numéro un, a-t-il dit. Il considère que les questions géopolitique et géo-économique doivent être  bien identifiées, « les Africains ayant le choix de ce qu’ils considèrent comme leurs partenaires géopolitiques ou géo-économiques essentiels. La réponse leur appartient, et pas à nous Européens, mais je pense que, pour les Européens, il n’y a pas de choix ».

L’Afrique, sujet n°1 pour l’Europe pour les cinquante prochaines années

Pour les cinquante prochaines années, l’Afrique est le sujet numéro un de l’Europe sur le plan géopolitique ou géo-économique, a déclaré Pascal Lamy. Même si la Chine, les États-Unis, la Russie sont importants pour l’Europe, il croît qu’ils ne sont « pas plus importants que l’Afrique ». C’est sur ce constat qu’il faut rééquilibrer, redresser, refonder le partenariat : « identifier qu’on a des problèmes communs et décider de les traiter ensemble, au moins en partie », relève-t-il. « Quand vous regardez la liste des problèmes d’avenir de l’Europe et la liste des problèmes d’avenir de l’Afrique, ce sont souvent les mêmes. Ça commence par la transition écologique ; ensuite, cela passe par la démographie, puis les défis de la digitalisation et les questions de sécurité », relève Pascal Lamy. Poursuivant : « Comparer nos réponses à ces défis d’avenir et trouver un accord pour des solutions communes est un paradigme totalement différent du précédent qui consistait à se demander comment on va aider ces pauvres Africains à se développer parce que la colonisation y est pour quelque chose et parce que, si cela ne marche pas, on va avoir un problème ». C’est ce qu’il appelle une « révolution copernicienne », tout l’enjeu du prochain sommet Union européenne (UE) -Afrique au mois de février 2022 à Bruxelles.

Pour rappel, l’UE est le premier partenaire de l’Afrique, en termes d’échanges commerciaux, d’investissements, d’aide publique au développement, d’aide humanitaire et de sécurité. Cependant  d’autres partenaires, la Chine, la Russie, les États-Unis, l’Inde et la Turquie contribuent aussi à l’accélération de la mise en œuvre de l’Agenda 2063 visant à créer une Afrique transformée et prospère.

Noël Ndong
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