L’auteure fait un témoignage poignant sur les violences sexuelles dont elle, de nombreuses femmes et filles subissent. Aussi, elle raconte comment elle est passée d’un état de victime à un état de leader.
A travers son ouvrage, Tatiana Mukanire Bandelire, coordonnatrice du mouvement national des survivants des violences sexuelles en République démocratique du Congo (RDC), a décidé de parler, en son propre nom et au nom d’autres femmes victimes des violences sexuelles. « Nous avons en nous cette envie de vivre, nous l’avons prouvée en nous battant pour notre survie, en nous accrochant à la vie. Nous avons été esclaves sexuelles, nous avons été enterrées vivantes quand nous ne pouvons plus satisfaire les besoins de nos ravisseurs. Nous avons été liées à un arbre au fond de la forêt. Nous avons été violées presque chaque heure, nous avons perdu connaissance et, plusieurs fois, nous nous sommes crues mortes, mais au fond de nous subsistait l’espoir de respirer à nouveau et de survivre », témoigne l’auteure.
Le livre de Tatiana Mukanire Bandelire est une lettre adressée à son agresseur, qu’elle a écrite, dit-elle, afin de ‘’sortir de sa colère’’ et de se "libérer de cette douleur’" avant de pouvoir aider d’autres femmes victimes des violences sexuelles. Elle relate ce qui lui est arrivé et explique comment elle a soigné ses blessures physiques et mentales dans la clinique du prix Nobel de la paix, le Dr Denis Mukwege, à Bukavu. Aussi l’auteure raconte la stigmatisation des femmes, des filles et enfants issus du viol, tandis que les violeurs ne sont jamais punis. « Jamais je n’aurai cru que cela puisse être possible, mais ma vie a changé, je suis passée de l’état de victime à celui de leader. Après le viol dont j’avais été victime au Sud Kivu, il m’a fallu du temps pour me reconstruire physiquement, du temps pour étudier, pour reprendre conscience et finalement de découvrir que bien des femmes dans le monde avaient subi le même fléau que moi », explique l’auteure.
Pour elle, les viols continuent et rien n’est fait pour rendre justice à toutes ces femmes violées. Elle dit connaître qui sont ces bourreaux, étant elle-même témoin et une preuve vivante des crimes les plus graves commis en RDC. Selon elle, même les morts enterrés dans des fosses communes sont des preuves de ces massacres. « Devrons-nous étaler tous ces morts et les exhiber à la place du monde pour que les gens comprennent l’urgence ? Ces personnes se permettent de cracher sur la mémoire de nos frères, sœurs, enfants. Nous avons été souillés par des viols commis par ces mêmes personnes qui voudraient changer notre histoire aujourd’hui. En 2004, lors de l’insurrection de Bukavu, j’ai été violée, je me rappelle des visages, de cette douleur sans nom, comment ils ont assassiné les membres de ma famille. J’ai vu des morts, j’ai vu des larmes couler et j’ai senti la peur. Mépriser la mémoire des victimes congolaises, nier l’histoire des crimes commis au Congo, c’est vouloir cacher la réalité, mais l’histoire est têtue, et l’on ne cachera jamais la vérité », conclut l’auteure.