Burundi : l’opposition fustige la levée des sanctions contre le pays

Vendredi, Décembre 10, 2021 - 13:00

La levée des sanctions imposées en 2015 contre le Burundi, annoncée par les Etats-Unis, est mal accueillie par l’opposition de ce pays. En effet, si Washington salue une embellie depuis l’élection d’Evariste Ndayishimiye en mai 2020 à la présidence de cette nation de la région des Grands Lacs, des voix s’élèvent du côté de l’opposition, appelant la communauté internationale à ne pas reprendre la coopération avec Gitega, où les droits de l’homme ne seraient pas encore respectés.

Une figure de l’opposition, en la personne de l’avocat en exil, Armel Niyongere, regrette la décision du président américain rendue publique dans un décret, dans lequel il affirme que la situation qui avait justifié les sanctions prises contre le Burundi, alors secoué par une violente crise politique, notamment « les meurtres et violences contre des civils » et la « répression politique », a été « modifiée de manière significative par les événements de l’année écoulée ». Allusion faite au transfert du pouvoir après les élections de 2020, ayant débouché sur « une réduction significative de la violence, et les réformes engagées » par le président dans de « nombreux secteurs ». Dans sa décision, Joe Biden salue l’embellie politique au Burundi et abroge le décret de novembre 2015 qui avait ouvert la voie à des sanctions.

Dans un communiqué, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, admet également les efforts du gouvernement burundais ayant permis ce changement. « Nous reconnaissons les progrès réalisés par le président Ndayishimiye contre le trafic d’êtres humains, en matière de réformes économiques et dans le combat contre la corruption, et nous l’encourageons à poursuivre dans cette voie », indique-t-il. La levée de sanctions financières et des interdictions d’entrée aux Etats-Unis concerne onze personnes, selon Antony Blinken.

En 2015, la volonté du président de l’époque, Pierre Nkurunziza, de se faire élire pour un troisième mandat controversé avait déclenché une crise profonde et meurtrière qui a fait 1 200 morts et poussé à l’exil quelque 400 000 Burundais. Ce qui avait conduit Washington à imposer des sanctions ciblées contre plusieurs hauts responsables burundais dont le numéro deux du régime mais aussi un opposant accusé de soutenir la rébellion armée.

La reprise de la coopération conditionnée au respect des droits de l’homme

Resté au pouvoir jusqu’à la mi-2020, Pierre Nkurunziza est décédé quelques semaines après l’élection d’Evariste Ndayishimiye, son successeur désigné. « Depuis la prise de pouvoir d’Evariste Ndayishimiye (…), on constate une régression continue : beaucoup de cas de disparitions forcées, de torture, d’assassinats », signale Armel Niyongere, le président de l’Association des chrétiens pour d’abolition de la torture (ACAT) au Burundi. « La France et l’Union européenne toute entière devraient conditionner la reprise de la coopération au respect des droits de l’homme au Burundi », estime ce militant condamné à la prison à vie dans son pays d’origine, en proie à des menaces pour avoir défendu plusieurs opposants avant de trouver refuge en Belgique en 2014.

Armel Niyongere redoute que les 27 se rapprochent du Burundi parce qu’en juin dernier, l’ambassadeur de l’UE dans ce pays, Claude Bochu, avait annoncé travailler à une levée des sanctions européennes qui pèsent sur le pays depuis 2015. Ces sanctions budgétaires avaient été prises en réponse aux graves violations des droits de l’homme sous la présidence de Pierre Nkurunziza, prédécesseur d’Evariste Ndayishimiye. Le diplomate saluait « les évolutions positives initiées par le président de la République en termes de bonne gouvernance, d’Etat de droit et des droits de l’homme ».

Ce que dément l’ACAT-Burundi, qui évoque la poursuite des assassinats sous le mandat de l’actuel chef de l’Etat burundais et de nombreux prisonniers politiques que le gouvernement avait promis de relâcher, dont certains ont retrouvé la liberté. « Toutes ces violations continuent à se commettre en toute impunité », affirme l’activiste qui ne met en cause les services de renseignement relevant de la présidence de la République ainsi que la police, l’armée et les jeunes militants du parti au pouvoir, les Imbonerakure. « Il n’y a pas d’enquête, pas de poursuite des auteurs présumés », poursuit l’opposant.

Dans son dernier rapport publié en septembre, la Commission d’enquête de l’ONU sur le Burundi affirmait que malgré certaines améliorations, la situation globale a empiré pour les partis d’opposition, les journalistes et les ONG, qui font face à une répression renouvelée. Le texte notait que certains actes commis par les forces de sécurité « pourraient constituer des crimes contre l’humanité ». Ces dernières « continuent de bénéficier d’une impunité généralisée pour leurs actions, comme c’est le cas depuis 2015 », souligne-t-on.

 

 

 

Nestor N'Gampoula
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