« La stabilité dans la gouvernance, gage de la réussite du Programme de développement local de 145 territoires et du Programme d'urgence intégré du développement communautaire ». C’est autour de cette thématique que se sont cristallisées les discussions initiées dans le cadre de la huitième Conférence des gouverneurs de provinces tenue à Kinshasa, du 22 au 23 décembre.
Une belle opportunité pour les chefs des exécutifs provinciaux d'évaluer les politiques publiques en matière de gouvernance en vue d'en tirer les enseignements nécessaires. Instance de concertation et d'harmonisation entre le pouvoir exécutif national et les gouverneurs de province, la Conférence des gouverneurs était le lieu sûr où devaient se discuter tous les sujets touchant au développement des entités territoriales, conformément à la loi organique n° 08/015 du 7 octobre 2008 portant modalités de son organisation et de son fonctionnement.
Déjà, à l’ouverture des assises au Palais de la nation, le chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi, avait donné le ton en exhortant les participants à réfléchir sur la manière dont les provinces et leurs Assemblées devraient travailler en harmonie pour garantir leur stabilité dans un contexte de crise politique marqué notamment par la valse de destitution des gouverneurs à coup des motions de censure. S’adressant directement aux acteurs concernés ainsi qu’aux autorités nationales présentes, le président de la République a affirmé, dans son discours inaugural, que cette valse de destitutions « empêche de mener à bien le programme de reconstruction nationale ».
Il est à noter, en effet, que sur les vingt-six provinces que compte le pays, quatorze ont connu des destitutions de leurs gouverneurs, en plus de la disgrâce de quelques présidents des Assemblées provinciales poussés, bien malgré eux, à la porte de sortie. Indigné par ce triste spectacle, le garant de la nation a appelé au calme. « Vous devez réfléchir ensemble et donner des solutions sur la manière dont les provinces et les assemblées provinciales doivent travailler de manière harmonieuse », a-t-il déclaré en guise d’exhortation pour plus de stabilité dans la gestion des entités territoriales.
Cette première journée inaugurale aura également été marquée par la lecture d’un mémorandum du Collectif des gouverneurs par Boongo Pancrasse, le gouverneur de la Tshuapa. Les vingt-six gouverneurs ont, entre autres, sollicité du chef de l‘Etat le décaissement d'un montant de deux millions de dollars américains à mettre à la disposition de chaque province afin de booster la réalisation des actions à impact visible, à l'actif du présent quinquennat. Ils ont également, dans le même temps, relevé quelques défis majeurs qui entravent la gouvernance de leurs provinces respectives. Il s'agit, entre autres, de la lutte de positionnement des acteurs politiques nationaux visant à contrôler les provinces et le paiement sélectif et sporadique de la rétrocession due aux institutions provinciales.
Concernant le pouvoir de contrôle exercé par les assemblées provinciales sur les exécutifs provinciaux, les gouverneurs des provinces ont suggéré le dépôt, dans les meilleurs délais, d'une requête en interprétation de l'article 138 de la Constitution relatif aux motions de défiance et de censure qui apparaissent, à leurs yeux, comme des « armes de destruction massive ». Ils ont, de ce fait, suggéré au président de la République de décréter un moratoire suspendant l'usage des motions de défiance et de censure pour le restant de l'actuelle législature. Les travaux se sont poursuivis à huis clos et chacun des gouverneurs a eu, au cours de la première journée, la latitude de présenter le rapport de son entité territoriale.
Un moratoire pour des motions de censure
La séance de clôture aura été marquée par la lecture de la déclaration finale assortie de quelques recommandations. Les gouverneurs des provinces ont relevé le fait que la paix et la sécurité règnent sur l'étendue du territoire national à l'exception du Nord-Kivu et de l’Ituri, en état de siège. Ils ont stigmatisé les conflits récurrents entre institutions provinciales, mais aussi, l'activisme des groupes armés locaux et étrangers, l'irrégularité des quotes-parts de rétrocession, le faible niveau de production agricole et la vétusté des unités agricoles. Unanimement, ils ont agréé le fait qu'aucun développement de la RDC n'est envisageable sans développement des provinces et se sont accordés sur la nécessité de favoriser la stabilité de la fonction de gouverneur de province.
Quant aux recommandations proprement dites issues de ces assises, elles sont complexes et touchent divers secteurs de la vie nationale. Aux plans politique, administratif, culturel, juridique et sécuritaire, les participants ont recommandé que soit décrété un moratoire suspendant l'application des motions de censure contre les gouverneurs pour une période de deux ans. Dans la foulée, ils ont préconisé des réformes constitutionnelles et législatives susceptibles de garantir la stabilité des institutions politiques provinciales, notamment en ce qui concerne le statut de gouverneur.
Au plans social, économique et financier, ils ont plaidé pour un versement régulier des fonds d'investissements mais aussi, pour l’opérationnalisation de la Caisse nationale de péréquation afin d'assurer l'équilibre dans le processus de développement des provinces. D’autres recommandations concernent, entre autres, la réhabilitation des unités de production et de transformation, la construction et la réhabilitation des infrastructures aéroportuaires et ferroviaires dans toutes les provinces, la construction des logements sociaux dans toutes les provinces, l’asphaltage de 200 km de routes nationales dans chaque province, etc.
Dans le même ordre d’idées, le collectif des gouverneurs de provinces a adressé une motion de soutien au président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi-Tshilombo, tout en lui rassurant que ses décisions, instructions et politiques seront exécutées sans faille dans leurs entités. Pour sa part, le Premier ministre, Sama Lukonde, a indiqué que son gouvernement ne ménagera aucun effort pour répondre aux différentes recommandations dans la mesure du possible. C’est sur ces entrefaites que le chef de l‘Etat, Félix-Antoine Tshisekedi, a clos les travaux de la huitième Conférence des gouverneurs. « Je vous invite à vous approprier les résolutions issues de cette huitième session et à les appliquer. Je vous exhorte aussi à assurer la stabilité des institutions provinciales tout en privilégiant l'intérêt supérieur de la Nation », a-t-il déclaré. C’est par cette phrase que le président Félix Tshisekedi a clôturé la huitième session de la Conférence des gouverneurs dont la prochaine est annoncée dans la ville de Mbandaka, chef-lieu de la province de l’Equateur.