Tensions France-Mali : Bamako donne 72 heures à l’ambassadeur de France pour quitter le pays

Lundi, Janvier 31, 2022 - 18:18

Cette décision marque un durcissement et une détérioration des relations entre Paris et Bamako, depuis la prise du pouvoir par le nouveau gouvernement de transition.

Les autorités maliennes viennent décider d’expulser l’ambassadeur de France, a annoncé un communiqué lu à la télévision d’Etat : « Le gouvernement de la République du Mali informe l’opinion nationale et internationale que ce jour (…) l’ambassadeur de France à Bamako, son excellence Joël Meyer, a été convoqué par le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale (et) qu’il lui a été notifié la décision du gouvernement qui l’invite à quitter le territoire national dans un délai de soixante-douze heures ». Les autorités maliennes justifient cette décision par les récentes déclarations « hostiles » de responsables français à leur encontre. La ministre française des armées, Florence Parly, a déclaré le 25 janvier que le gouvernement de transition multipliait « les provocations ». deux jours après, le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian qualifiait le gouvernement d’« illégitime » et ses décisions d’« irresponsables », après que les autorités maliennes eurent poussé le Danemark à retirer son contingent de forces spéciales.

Joël Meyer est en fonction à Bamako depuis octobre 2018. Son expulsion« fait suite aux propos hostiles et outragés du ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères tenus récemment, à la récurrence de tels propos par les autorités françaises à l’égard des autorités maliennes en dépit des protestations maintes fois élevées », dit le communiqué lu à la télévision malienne.

« Le gouvernement du Mali condamne vigoureusement et rejette ces propos qui sont contraires au développement de relations amicales entre nations »,  déclare Bamako qui« réitère sa disponibilité à maintenir le dialogue et poursuivre la coopération avec l’ensemble de ses partenaires internationaux, y compris la France, dans le respect mutuel et sur la base du principe cardinal de non-ingérence ». Le chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, n’excluait « rien », le 28 janvier, dans ses relations avec la France.

Cette convocation  à quitter le territoire malien marque un nouveau durcissement des tensions entre le Mali et la France, l’ancienne puissance coloniale engagée militairement au Mali et au Sahel depuis 2013. Les relations n’ont cessé de se détériorer depuis que des colonels ont pris par la force, en août 2020, la tête de ce pays plongé depuis 2012 dans une profonde crise sécuritaire et politique. Le gouvernement de transition est entré ces derniers mois en résistance face à une grande partie de la communauté internationale et des partenaires du Mali, qui pressent pour un retour des civils à la tête du pays. La France et ses alliés européens s’alarment aussi de l’appel fait, selon eux, par la junte aux mercenaires de la société privée de sécurité russe Wagner. Les autorités maliennes persistent à démentir,  et entendent se maintenir plusieurs années à la tête du pays, pour réaliser des réformes solides, pour l’intérêt des populations.  Face aux pressions, elles se sont braquées, en invoquant la souveraineté nationale. Elles s’en sont durement prises à la France, ainsi qu’à la Cédéao qui leur a infligé de sévères sanctions diplomatiques et économiques.

Jean-Yves Le Drian accuse le groupe Wagner de « soutenir » les nouvelles autorités maliennes qui souhaitent « confisquer le pouvoir ». Les mercenaires de la sulfureuse société paramilitaire russe Wagner ont «déjà» commencé à piller le Mali mais ne cherchent pas à remplacer la France et les pays européens dans le Sahel, a estimé le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. « Ils se servent déjà en ce moment des ressources du pays en échange de la protection de la junte. Ils spolient le Mali. Wagner utilise la faiblesse de certains États pour s’implanter elle-même, pas pour remplacer les Européens (dans le Sahel, ndlr), et au-delà pour renforcer l’influence de la Russie en Afrique», a affirmé Jean-Yves Le Drian, pour qui l’objectif de l’entreprise russe est «clairement d’assurer la pérennité (… du) pouvoir» de la junte, sans un entretien accordé au Journal du dimanche.

Noël Ndong
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