Sommet UE/UA : les enjeux d’un « new deal financier »

Mercredi, Février 16, 2022 - 11:30

Après le sommet de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba en Ethiopie, les dirigeants de l’Union européenne (UE) et de l’UA, ainsi que ceux de leurs Etats respectifs, se rencontreront les 17 et 18 février à Bruxelles, en Belgique, à l’occasion du 6e sommet UE-UA. Plusieurs sujets seront en discussion.  

Le sixième sommet UE/UA constituera une occasion unique de jeter les bases d'un partenariat renouvelé et approfondi entre les deux organisations bénéficiant d'un engagement politique au plus haut niveau. Les dirigeants vont débattre de la manière dont les deux continents peuvent renforcer la prospérité. L'objectif est de lancer un paquet d'investissements Afrique‑Europe qui tient compte des défis mondiaux (changement climatique et crise sanitaire). Ils devraient également discuter des outils et solutions permettant de promouvoir la stabilité et la sécurité grâce à une architecture renouvelée pour la paix et la sécurité. Alors que l’opération Barkhane tire à sa fin et que la task force Takuba est critiquée par les nouveaux pouvoirs malien et burkinabè, la question sécuritaire sera un enjeu important lors de ce sommet. Au terme de celui-ci, les participants vont adopter une déclaration conjointe pour une vision commune de la collaboration entre les deux continents d’ici à 2030. 

En décembre dernier, le président français, Emmanuel Macron, avait annoncé la mise en place d’un « new deal financier » entre l’UE et l’UA. Alors que la France a pris la présidence tournante de l’UE pour six mois, son chef de l'Etat avait affirmé sa volonté de « réviser complètement » la relation entre l’UE et l’UA. Il souhaite notamment « renforcer les investissements dans les économies africaines ».

Lors de sa récente tournée en Afrique, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a présenté à Dakar la nouvelle stratégie d’investissements de l’UE, Global Gateway, pour faire face à l’influence de la Chine, via les Nouvelles routes de la soie. Elle avait promis plus de 150 milliards d’euros pour alimenter des projets d’infrastructures en Afrique, d’ici à 2027. L’objectif :  réduire les risques de catastrophe naturelle, booster les énergies renouvelables, les transports, l’éducation et l’accès à internet. « Les investissements seront au cœur des discussions » entre les dirigeants des deux continents à Bruxelles, avait souligné Ursula von der Leyen.

Les sept autres enjeux du sommet

D’autres enjeux seront abordés lors de ce sommet, autour de sept tables rondes.

  1. La paix, de la sécurité et de la gouvernance, notamment des opérations militaires au Sahel et les récents coups d’État en Afrique de l’ouest.
  2.  La production de vaccins et des systèmes de santé. L’Afrique accuse le plus faible taux de vaccination au monde.
  3. Le financement de la croissance, notamment les investissements annoncés par Ursula von der Leyen et la stratégie Global Gateway.
  4. Le soutien au secteur privé et l’intégration économique. A Dakar, lors de l’annonce du plan régional Global Gateway, Ursula von der Leyen avait rappelé le rôle du secteur privé, ainsi que « de son expertise et de son fort investissement ».
  5. L’éducation, la culture, la formation professionnelle, la migration et la mobilité. Le président français avait annoncé un « partenariat commun  dans le cadre du partenariat mondial de l’éducation ». Sa forme et ses enjeux seront évoqués.
  6. L’agriculture et le développement durable. L’UA et l’UE ont créé, en 2018, un groupe de travail autour de la sécurité alimentaire africaine et des investissements agroalimentaires. Les priorités seront discutées.   
  7. La transition énergétique, les changements climatiques et la connectivité numérique et logistique seront abordés. Le continent africain subit les conséquences du réchauffement climatique, alors qu’il n’est responsable que de 4% des émissions de gaz à effet de serre. Lors de la COP26, à Glasgow (Ecosse), le négociateur Tanguy Gahouma-Bekalé avait urgé les pays occidentaux à respecter leur engagement pris lors de l’accord de Paris : doter un fonds de cent milliards de dollars pour aider les pays en développement, notamment les pays d’Afrique, à faire face à la crise climatique. Ce fonds n’est toujours pas opérationnel. 

La complémentarité Europe et Afrique est une richesse

« L'Europe et l'Afrique ont beaucoup à s'apporter, leur complémentarité est une richesse », a affirmé Pascal Lorot, président de l'institut Choiseul, Think tank de réflexion géopolitique. Il a rappelé : « Vu de France, mais aussi d'Europe, on a tendance à globaliser notre compréhension du continent. Nous parlons toujours de l'Afrique avec un grand A. Or, l'Afrique est un continent gigantesque de quelque 30 millions de kilomètres carrés. On pourrait y mettre tout à la fois les Etats-Unis, la Chine, l'Inde, le Japon, la Corée du Sud et l'UE! Avec son petit 4,1 millions km2, l’UE à vingt-sept à elle seule est sept fois plus petite que l’Afrique. Sur ce petit ensemble géopolitique, les situations économiques et politiques sont très diverses d’un pays à l’autre. Ne soyons donc pas surpris que prévalent aussi en Afrique une multitude de situations, qu’elles relèvent du domaine sécuritaire, alimentaire, environnemental ou encore logistique. D’un pays à l’autre, d’une sous-région ou d’une région à l’autre, il peut y avoir des raisons d’être parfois optimiste, parfois pessimiste. Ne globalisons donc pas un état des lieux par définition nécessairement pluriel ».

Les grands absents du sommet

Le Mali, la Guinée, le Soudan et le Burkina  Faso sont des gouvernements qui ont été renversés récemment par des militaires. Ils ne prendront pas part au sommet. Ces pays ont été suspendus par l’UA. Concernant le Mali, son Premier ministre de transition, Choguel Kokalla Maïga, ainsi que quatre autres responsables, ont été sanctionnés par l’UE. Ils sont accusés de faire obstacle à la transition démocratique du pays. 

Noël Ndong
Notification: 
Non