Le roman pointe du doigt les conséquences du poids social, culturel et traditionnel dans la vie des Hommes. Il hurle la douleur, la souffrance de l’abandon d’une femme dans un pays, dans une société dont elle ne connaît pas les règles. Resté longtemps inédit, ce deuxième livre de la pionnière sénégalaise des lettres a été réédité le 5 février, aux éditions Les prouesses.
Original par sa thématique encore peu explorée jusqu’alors dans la fiction africaine, « Un chant écarlate » frappe également par son audace. C’est, en effet, la société africaine que Mariama Bâ scrute et critique, remettant en cause la prééminence des traditions, les pesanteurs des codes sociaux ou encore l’obligation ressentie par les intellectuels comme Ousmane d’attester d’une « africanité" demeurée intacte malgré leur formation occidentale. Plus que tout, Mariama Bâ s’intéresse au statut des femmes, aux rôles qu’on leur impose, à la portion congrue de leur liberté de choix comme la parole.
Le féminisme de son roman, notamment son style un rien daté, en n’échappera pas aux tenants de la réflexion actuelle. Enfin, au- delà de la réussite des couples dits « mixtes », la romancière pose plus largement encore la question des unions non classiques, de la difficulté de survivre aux préjugés et au regard normatif de la société. Des sujets abordés en leur temps par cette pionnière des lettres africaines demeurent d’une modernité.
C’est avec son roman épistolaire "Une si longue lettre", paru en 1979 que la militante féministe sénégalaise, Mariama Bâ (1929- 1981), est devenue célèbre. Le succès de ce premier livre, plusieurs fois traduit à travers le monde, a presque éclipsé le deuxième, publié juste après le décès de l’auteure. « Un chant écarlate » confirme bel et bien le talent de Mariama Bâ pour dépeindre son continent, l’Afrique, sous l’angle de ses problématiques sociales : relations entre communautés, exigences familiales, poids des traditions, conjugalité, émancipation.
Tout commence par un coup de foudre. Mireille est Française et Ousmane Sénégalais. Les deux se rencontrent à Dakar lors des épreuves du baccalauréat, dans un Sénégal nouvellement indépendant. Brillants tous les deux, ils poursuivent leurs études sur les bancs de la même université. Tout leur paraissait merveilleux, éclairé par l’amour et toutes les occasions joignaient leurs doigts. Des banalités déclenchaient leurs rires, les heures couraient quand ils se retrouvaient et les moments de séparation paraissaient ennuyeux et cruels. Grisés par la force de leurs sentiments, les deux jeunes se mettent rapidement à rêver d’un avenir commun, scellé par un mariage pour l’éternité. Mais ce bel idéal va se heurter aux préjugés de leurs familles respectives, pour lesquelles cette union est inconciliable. A leurs yeux, tout sépare le jeune homme né dans une famille pauvre des quartiers populaires de la capitale sénégalaise et la fille de diplomate issue de la haute bourgeoisie française : origine, classe sociale, éducation, culture familiale et, par-dessus tout, la couleur de la peau.
Par ailleurs, les deux amoureux ne se désarment pas et s’aiment en secret, malgré la sanction des parents de Mireille, qui renvoient leur fille en France. Devenus majeurs, Ousmane et Mireille se retrouvent à Paris, où ils officialisent enfin leur union. De retour au Sénégal, le couple est confronté pour la première fois aux réalités locales, la bonne volonté de Mireille qui a tout abandonné pour se marier est mise à rude épreuve lorsqu’elle doit composer avec un époux désireux de prouver sa loyauté à sa communauté.