La capitale congolaise s’apprête à accueillir, le 24 février, le dixième sommet sur le Mécanisme régional de suivi de l’Accord d’Addis-Abeba. Pas moins de onze chefs d’Etat et de gouvernement y sont attendus pour évaluer l’exécution des engagements pris, depuis des lustres, dans la capitale éthiopienne.
La rencontre de Kinshasa sera, sans nul doute, un « moment important » tant pour la République démocratique du Congo (RDC) que pour les autres pays de la région. Des dossiers concrets et substantiels seront inévitablement abordés en vue de promouvoir la paix, la sécurité et, surtout, le développement dans la Région des Grands Lacs africains longtemps en proie à une instabilité chronique.
Après moult reports, cette réunion de Kinshasa tentera de revitaliser le Mécanisme régional de suivi pour en faire un instrument essentiel en vue de parvenir à une paix et une stabilité durables en RDC et dans la région. D’où la nécessité d’effectuer un état des lieux de la situation dans cette région à la lumière des engagements auxquels les Etats signataires de l’Accord-cadre ont librement souscrits.
Il en découle, sept ans après, un bilan mitigé au regard de la persistance de l’insécurité à l’Est de la RDC. Les familles livrées à elles-mêmes continuent de faire, chaque jour, la triste expérience de l’insécurité doublée de sauvagerie inouïe perpétrée par des groupes armés, locaux et étrangers. Les déplacés internes et les réfugiés sont comptés par plusieurs centaines de milliers. La pauvreté s’y porte au mieux en dépit des potentialités dont regorgent le sol et le sous-sol des pays de la Région des Grands Lacs. Les vagues d’instabilité tempêtent ici et là.
Les bandes armées nationales et étrangères continuent à fleurir au Nord-Kivu, au Sud-Kivu et en Ituri. Les insaisissables rebelles ougandais des ADF (Allied Democratic Forces) continuent à massacrer impunément la paisible population dans le territoire de Beni. Depuis octobre 2014, l'on dénombre près de quatre mille morts.
Les raisons d’espérer…
Nonobstant ce sombre tableau, il y a eu néanmoins quelques avancées encourageantes qui inspirent un certain espoir, notamment l’ancrage démocratique constaté dans quelques pays de la région dont la RDC qui a gagné le pari de l’alternance démocratique et pacifique à la faveur de la présidentielle de décembre 2018. Une première depuis son accession à l’indépendance. Le climat apaisé qui caractérise actuellement les relations entre Kinshasa et ses neuf voisins depuis l’avènement de Félix Tshisekedi à la tête de la RDC constitue une nouvelle donne de nature à « faire avancer tous les dossiers concernant la paix et la sécurité, et surtout, la coopération » dans la Région des Grands Lacs.
Il y a lieu également de mettre un point d’honneur aux initiatives tendant à restaurer la paix à l’Est de la RDC, épicentre de l’insécurité dans la région, telle que l’état de siège décrété dans les provinces du Nord Kivu et de l’Ituri qui a permis la neutralisation ainsi que la reddition des ex-combattants, locaux et étrangers. Le rétablissement de la confiance entre partenaires régionaux par une diplomatie de proximité, la promotion de la résolution pacifique des différends, la relance de la coopération avec les traditionnels partenaires internationaux sont autant des signaux positifs qui permettent d’envisager l’avenir des Grands Lacs africains avec optimisme.
En outre, en vertu de l’Accord-cadre, plusieurs initiatives ont permis, tant soit peu, de mobiliser les pays et les peuples de la région autour de l’idéal de la paix et de la stabilité. La tenue, en février 2016 à Kinshasa et en novembre 2021 à Kigali, de la première et de la deuxième édition de la Conférence sur les investissements privés dans la région a permis de jeter les bases de la dynamique d’incitations économiques de la paix. Au-delà, une dynamique régionale de lutte contre les forces négatives tend à se mettre en place avec à la clé une forte mobilisation dans la lutte contre le trafic d’armes, l’impunité, les réseaux maffieux, etc.
Plus qu’une simple évaluation, la réunion de Kinshasa cherchera à trouver une voie de sortie à la question du M17 de Bisimwa et Makengo dont les hommes sont cantonnés en Ouganda. Il sera aussi question de trouver des réponses idoines à la menace permanente que constitue la présence hors des frontières nationales d’anciens rebelles du M23 cantonnés en Ouganda, depuis leur défection au Nord-Kivu en 2013.
Pour les Etats membres, l’heure de la restauration et de la consolidation de la confiance nécessaire a sonné. Quoique plusieurs défis soient encore à relever, le processus fait néanmoins son bonhomme de chemin…