Partenariat : la pensée magique de l’UE sur l’Afrique

Mardi, Février 22, 2022 - 11:06

Secouée par les vents contraires de la pandémie de covid-19, des manifestants, des échecs passés et des divisions actuelles, l'Union européenne (UE)  a abordé le 6e sommet avec le continent africain en ayant un message simple : « Faites-nous confiance ». Un slogan qui résume l’état actuel des relations entre les deux partenaires.

L’UE  et l’Union africaine (UA) ont choisi deux jours (17 et 18 février), et la ville de Bruxelles (Belgique), pour « réinventer » leurs relations, résumées dans une déclaration de six pages autour des sujets allant de la formation militaire et des droits de tirage spéciaux (DTS) aux vaccins, à la migration, etc. Plusieurs fois reporté en raison de la pandémie, le 6e sommet de Bruxelles devait avoir lieu en octobre 2020, suite au lancement de la stratégie Afrique de la Commission européenne. En décembre 2019, la Commission s'était rendue à Addis-Abeba (Ethiopie) pour échanger avec le Premier ministre, Abiy Ahmed, lauréat du prix Nobel de la paix, où elle allait déclarer que l’Europe ne voulait pas présenter un grand plan pour l’Afrique, mais l'écouter. Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, accusait l’Europe de thésauriser les vaccins covid-19.  En été 2020, l'UE conclut un accord historique pour emprunter 750 milliards d'euros afin de soutenir son économie, propose 10,5 milliards d'euros de garanties budgétaires pour les banques de développement et une réduction de cinq milliards d'euros d'aide humanitaire pour garder les États frugaux.

A Bruxelles, les 17 et 18 février, l’Europe a tenté de raviver sa relation avec l’Afrique, cette fois avec un grand plan baptisé « Global Gateway ». Dans le cadre de ce plan, elle souhaite donner la priorité aux projets verts et numériques, déclarant  qu'elle ne soutiendrait les investissements gaziers en Afrique que si aucune autre option n'était disponible. Mais pour l’Afrique, par la voix du président en exercice de l’UA, Macky Sall, cette approche oublie les combustibles fossiles dont les économies africaines ont besoin pour croître. La Déclaration finale du sommet a finalement reconnu que « la transition énergétique de l'Afrique est vitale pour son industrialisation et pour combler le déficit énergétique ». Avant de poursuivre : « Nous soutiendrons l'Afrique dans sa transition pour favoriser des voies justes et durables vers la neutralité climatique. Nous reconnaissons l'importance d'utiliser les ressources naturelles disponibles dans le cadre de ce processus de transition énergétique ».

 Sur les vaccins, Cyril  Ramaphosa a appelé l'Europe à mettre fin à son opposition à une dérogation sur les droits de propriété intellectuelle à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), insistant sur « la vie de millions de centaines  de personnes, plutôt que la rentabilité de quelques entreprises ».  

La Déclaration du sommet s'est engagée « de manière constructive en faveur d'un accord sur une réponse globale de l'OMC à la pandémie, qui inclut les aspects liés au commerce ainsi que les aspects liés à la propriété intellectuelle ». Lors de la conférence de presse de clôture, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, s'est engagée à parvenir à une solution sur la propriété intellectuelle liée aux vaccins d'ici le printemps.

« Ingénierie magique »

Avant le sommet, Ursula von der Leyen s’était rendue à Dakar, au Sénégal, où elle avait annoncé que la moitié des 300 milliards d’euros du Global Gateway serait allouée à l’Afrique. Lors du sommet, un haut responsable de l'UE a déclaré aux journalistes que les 150 milliards d'euros étaient le produit d'une « ingénierie magique ». Ce chiffre correspond à une projection fondée sur une combinaison  de subventions, de prêts et de garanties budgétaires conçues pour stimuler davantage d'investissements privés et tirées en grande partie du budget 2021-2027 existant de l'UE.  Après cette annonce, le chef du département de développement de la Commission, Koen Doens, écrit aux membres du personnel dans un email : « Nous n'avons pas produit de calcul spécifique […]Nous n'entrons pas dans le débat sur la répartition entre subventions, garanties, secteur privé, etc ». Interrogé sur la façon dont le bloc européen pourrait vanter la « transparence » du Global Gateway vis-à-vis des offres de donateurs rivaux tels que la Chine, puis ne pas détailler comment il serait financé, le président français, Emmanuel Macron, a cité un mécanisme de surveillance conçu pour suivre la manière dont l'UE réalise des projets dans le cadre du plan.

Lors du sommet des dirigeants UA/UE à Abidjan, en Côte d'Ivoire, en 2017, l'UE s'était engagée à fournir 44 milliards d’euros d’investissements  en Afrique, pour créer des emplois à la faveur des jeunes d'ici à 2020. Le dernier rapport  sur le fonds destiné à tenir cet engagement promet désormais plus de 50 milliards d'euros d'investissements, mais ne précise pas le montant qui a été levé à ce jour. « Nous n'avons pas livré cet agenda », a concédé Emmanuel Macron, tout en promettant d'assurer une transparence totale sur la mise en œuvre du plan d'Abidjan, « parce que c'est le meilleur moyen d'être crédible ». Le plan européen « Global Gateway » est un programme d'investissement pour le développement de 300 milliards d'euros, présenté comme une alternative à l'initiative chinoise « la Ceinture et la Route ». Au cœur du sommet se trouvaient des questions politiques clés qui façonneront l'avenir de la coopération au développement de l'Europe avec l'Afrique. L'UE veut donner la priorité aux projets verts et numériques, et parvenir à un accord sur la manière dont les combustibles fossiles s’intègrent dans ce tableau. Malgré quelques problèmes d’insécurité, l’Afrique connaît un mouvement de croissance, l’afro optimisme a pris le pas sur l’indifférence ou sur l’afro pessimisme.

Noël Ndong
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