Guerre en Ukraine : les Africains victimes du racisme aux frontières du pays

Mardi, Mars 1, 2022 - 13:30

À en croire plusieurs témoignages concordants, les ressortissants africains fuyant l'Ukraine envahie par l'armée russe font face à des actes croissants de racisme aux frontières ukrainiennes. Le Congo a mis en place une cellule de crise.

Congolais au camp de refugiés à la frontière Pologne-UkraineParmi les centaines de milliers de personnes qui tentent de fuir l'Ukraine vers les pays voisins, notamment la Pologne, figurent de nombreux ressortissants africains, et pour la plupart étudiants. Il semble que les accusations de comportements racistes à leur égard se multiplient. 

En prévision de cette situation, le Premier ministre congolais, Anatole Collinet Makosso, avait annoncé, le 25 février dernier, devant la représentation nationale, que le gouvernement avait mis en place une cellule de crise dont l’objectif était d’identifier et d’organiser les Congolais vivant en Ukraine pour diverses raisons.

Selon la première identification, ils sont environ 300, dont 159 identifiés au ministère de l’Enseignement supérieur, et bien d’autres qui étaient partis,  soit par le biais des associations, organisations non gouvernementales, ou encore par le biais des parents. 

La cellule de crise mise en place par le gouvernement congolais se compose, outre les membres du gouvernement concernés par le dossier, de ceux des ambassades proches de la Pologne et des pays vers lesquels des Congolais ont trouvé refuge.

Partis des villes de l’Ukraine dès que le top avait été donné par la cellule de crise, les Congolais sont arrivés au fur et à mesure par petits groupes, ou individuellement, a-t-on appris.

Contactés, certains étudiants ont souligné des difficultés financières pour s’approvisionner et celles liées aux formalités administratives.

L’ambassade du Congo en Turquie, qui a juridiction sur l’Ukraine, a reconnu ces problèmes liés à la fermeture de certains services consulaires des Affaires étrangères polonaises durant la fin de la semaine dernière.

À travers deux notes verbales rendues publiques, les autorités de cette ambassade à Ankara ont saisi celles de l’Ukraine et de la Pologne afin que des facilités soient accordées aux ressortissants de la République du Congo. « À la frontière, la priorité est accordée aux femmes et aux enfants, tant pour leur embarquement dans des moyens de transport, leur hébergement, que pour le passage », a reconnu un étudiant au bord de la lassitude après deux jours d’attente aux portes de la Pologne.

Du coté de Varsovie, c’est le consul honoraire du Congo qui a pris le relais, indique-t-on. Robert Endzandza qui fait partie de la cellule de crise est chargé de cette mission d’organiser l’accueil et l’hébergement. Le manque de communication rend fastidieuse sa mission car les étudiants n’utilisent pas tous le même couloir d’entrée.

Cela a pour conséquences, constate-t-on, de voir certains étudiants se retrouver perdus ou isolés tandis que d’autres, grâce aux relations, sont accueillis par des amis ou des membres de leurs familles. D’autres encore ont opté pour des hôtels tout en notifiant les coûts devenus trop exorbitants vu le contexte. İls disent tous espérer une assistance financière du gouvernement.

Des missions diplomatiques mobilisées

D’Ankara à Paris, en passant par Berlin, voire Moscou, les missions diplomatiques du Congo sont mobilisées. «Certains étudiants ont leurs passeports expirés ou perdus et il est de notre responsabilité de leur délivrer des certificats d’identité de voyage ou d’intervenir sur le plan administratif », explique une autorité de l’ambassade du Congo en Turquie.

De la même source, les autorités balaient les rumeurs circulant sur le rapatriement forcé des étudiants vers le Congo. « İl y a certes des étudiants qui souhaitent rentrer au pays mais il n’est pas dans les intentions des autorités de leur forcer la main », ajoute ce diplomate congolais.

En effet, des cas sont signalés faisant état des étudiants ayant déjà quitté la Pologne pour rejoindre d’autres pays européens. Les autorités, tant politiques que diplomatiques, regrettent cependant la campagne d’intoxication laissant croire à un abandon de responsabilités.

« Plusieurs fois, nos compatriotes ont refusé les initiatives des chancelleries de se faire recenser. Ce qui complique la tâche des ambassades lorsqu’il s’agit de gérer des Congolais vivant dans leurs juridictions respectives », reconnaît un autre diplomate congolais. À ce jour, environ 130 ressortissants du Congo ont pu franchir la frontière pour trouver refuge en Pologne, précise-t-on. 

L'Union africaine (UA) s'est dite "particulièrement préoccupée par les informations rapportées selon lesquelles les citoyens africains se trouvant du côté ukrainien se verraient refuser le droit de traverser la frontière pour se mettre en sécurité".

Le chef de l'Etat sénégalais, Macky Sall, président en exercice de l'UA, et le président de la Commission de l'UA, Moussa Faki Mahamat, rappellent que "toute personne a le droit de franchir les frontières internationales pendant un conflit (...) quelle que soit sa nationalité ou son identité raciale". Appliquer un "traitement différent inacceptable" aux Africains serait "choquant et raciste" et "violerait le droit international", soulignent-ils. 

Le ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo (RDC), Christophe Lutundula, a, de son côté, affirmé qu'il recevrait ce mardi l'ambassadeur de Pologne pour favoriser le passage de quelque 200 ressortissants de RDC actuellement en Ukraine.

Marie Alfred Ngoma avec l'AFP
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Des Congolais au camp de refugiés à la frontière Pologne-Ukraine
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