Accueilli en grande pompe par la population lors du lancement de ses travaux en 2020, le Projet d’extension en zones périphériques et de renforcement du service public d’eau potable à Brazzaville (PEPS) est devenu, au fil du temps, un véritable casse-tête dans certains quartiers de la ville.
Financé par l’Agence française de développement (AFD) à hauteur de 100 millions d’euros, soit environ 6 milliards FCFA, le PEPS vise à améliorer les conditions de vie des Brazzavillois par l’extension et la réhabilitation d’un service d’eau potable performant et durable dans les quartiers périphériques. Conduit par les ministères en charge des Grands travaux et de l’Énergie et de l’Hydraulique, au bénéfice de La Congolaise des eaux (LCDE), le PEPS est organisé autour de trois composantes. Il s’agit, entre autres, de l’extension des réseaux secondaire et tertiaire dans douze quartiers (680 km), nouvelles connexions avec compteurs (30 000), réhabilitation de réseau (154 km) et reprise des branchements (14 900), amélioration des capacités de production des usines de Djiri et du Djoué, mise en place d’un nouveau logiciel de gestion de la clientèle. Les autres composantes concernent le renforcement des capacités de gestion de LCDE ; l’accompagnement social local par un programme de marketing social et des activités de promotion de l’hygiène, mis en œuvre par l’ONG Eau et assainissement pour l’Afrique.
Les impacts attendus étant l’extension du service d’eau potable à 300 000 personnes ; l’accès amélioré au réseau d’eau potable pour 150 000 personnes ; l’amélioration des capacités de production des usines de Djiri et du Djoué ; la sensibilisation de 450 000 personnes aux bonnes pratiques d’hygiène et d’assainissement, avec une approche sur les inégalités de genre. A cela s’ajoute l’amélioration de la gouvernance et de la gestion de LCDE pour un service performant et durable dans un cadre sectoriel clair et inclusif.
Aujourd’hui, deux ans environ après le lancement du projet, les objectifs visés sont loin d’être atteints. Bien au contraire, la population subit ses effets négatifs. De quoi inquiéter les députés qui ont interpellé, le 25 février dernier, le ministre en charge des questions de l’eau, au cours de la dernière séance de questions orales avec débat au Parlement. C’est le cas du député de la troisième circonscription électorale de Ouenzé, Romarick Jules Embounou Oyo, qui s’est dit préoccupé par la série d’inondations importantes dans la zone de Bouéta-Mbongo-Itoumbi. « Ce projet, dont le lancement des travaux a été salué par la population de Ouenzé, enregistre malheureusement de nombreuses plaintes. L’axe Bouéta-Mbongo est régulièrement inondé par les eaux, perturbant ainsi la circulation des usagers. Les habitations et boutiques situées sur cet axe connaissent également le même sort depuis plusieurs mois...Cette opération n’a fait que plonger cette zone dans cette situation indescriptible d’inondations, les habitants sont aux abois », a-t-il déploré, demandant au gouvernement d’expliquer les mesures correctives envisagées pour pallier cette situation.
Répondant à cette question, le ministre de l’Energie et de l’Hydraulique, Honoré Sayi, a balayé d’un revers de main ce constat. Selon lui, les inondations et l’humidité constatées dans cette zone sont dues aux problèmes d’aménagement urbain et non au PEPS.
Constat sur le terrain
Le PEPS s’inscrit dans le cadre de la convention de financement conclue le 18 février entre l’AFD et la République du Congo. En effet, les travaux ont été confiés au groupement d’entreprises Sogea, Satom, Razel et SGEC Congo et la mission de contrôle est assurée par SCET Tunisie. Les zones impactées étant Mayanga, Madibou, Mfilou, Sadelmi, Moukondo, Nkombo, Massengo, Académie… Dans ces zones, des chaussées sont parfois décapées sans être recouvertes ; des avenues devenues difficiles à accéder par véhicule et des habitations effondrées sans une quelconque réparation. « Dans ce genre de projet, il faut tenir compte de l’impact environnemental. Malheureusement, cela n’a pas été le cas. De toutes les façons, les avenues et les rues appartiennent à l’Etat et les travaux que nous avons exécutés sont au profit du gouvernement », nous avait répondu sèchement un cadre de SGEC-Congo en 2021.
S’agissant des nouvelles installations, malgré la présence des pompes dans la quasi-totalité des parcelles, l’eau ne coule toujours pas du robinet dans plusieurs quartiers, comme espéré. Les équipes des sociétés adjudicataires du marché sont obligées de reprendre le travail à certains endroits pour des raisons qu’elles connaissent elles-mêmes. Dans des rares quartiers où l’eau coule du robinet, on observe déjà des fuites qui menacent déjà des habitations. C’est le cas à Massengo, dans le 9e arrondissement de Brazzaville, où la dernière pluie a profité des bassins d’eau formés depuis plus de deux semaines pour occasionner les dégâts.
« Nous avons saisi LCDE et la mission de contrôle depuis quelques semaines sur la menace qui nous guettait suite à une fuite du tuyau, mais nos multiples appels n’ont pas été entendus », s’est plainte une des victimes de la dernière pluie.