Voir ou revoir : « Un homme qui crie » de Mahamat-Saleh Haroun

Jeudi, Mars 17, 2022 - 19:07

Sorti en salle en 2010, « Un homme qui crie » du réalisateur tchadien Mahamat-Saleh Haroun est un film qui montre les conséquences de la déchéance humaine à travers une relation père-fils sur fond de jalousie et de trahison.

Adam, la cinquantaine révolue, ancien champion de natation est maître-nageur de la piscine d’un hôtel de luxe à N’Djamena. Lorsque des investisseurs étrangers rachètent la taverne, il doit céder son poste à son fils Abdel. Une situation qu’il vit très mal, considérant cela comme un échec social.

Et comme si cela ne suffisait pas, durant la même période, le pays en proie à la guerre civile vit sous la menace des rebelles armés. En réaction, le pouvoir en place fait appel à la population pour un "effort de guerre" , exigeant d’elle de l’argent ou un enfant en âge de combattre les assaillants. Adam est ainsi pressé par son chef de quartier pour sa participation. Cependant, il n'a pas d'argent et n'a que son fils...

Le titre du film "Un homme qui crie", initialement intitulé "Un homme qui crie n'est pas un ours qui danse" , a été tiré d’une phrase du livre " Cahier d’un retour au pays natal " du poète martiniquais Aimé Césaire. A travers le personnage d’Adam, il aborde, avec finesse, le parcours d’un homme humble, mais aussi lâche qui n’arrive pas à sortir son cri face au monde qui l’entoure.

Aux allures de tragédie épurée, ce film pose la question de la perte d’identité, non pas à cause d'événements hors de son contrôle, mais des choix que font les humains face aux aléas de la vie. En réalité, le scénario vise à faire comprendre à chaque spectateur qu'il ne tient qu’à soi de décider de quel type de personne on veut être, comment l’exprimer et vivre pleinement en fonction de ses choix.

Bien qu'elle occupe une place " psychologique " dans la conscience du spectateur et conditionne tout le déroulement de la narration, la guerre en images n'est pas présente dans le film. Seulement, à travers la guerre et sa menace, Mahamat Saleh Haroun met particulièrement en lumière une autre forme de violence faite aux hommes que parvient à cerner peu à peu Adam. « Il fallait montrer comment celui-ci perd totalement pied et comment un homme, poussé à bout et dépouillé, peut être amené à commettre l’impardonnable », a déclaré le réalisateur au magazine web Allo ciné.

Avec une mise en scène travaillée, la fin du long-métrage "Un homme qui crie" est d’une esthétique raffinée et d’une beauté naturelle dans la solitude d’un grand fleuve où le père et le fils vont unir leurs destinées à tout jamais. A cela s’ajoute l'objet musical, composé par Wasis Diop, qui sans en faire trop, ne sert beaucoup plus qu’à révéler l’état d’âme et le désordre intérieur des personnages.

Prix du Jury en 2010 au Festival de Cannes, " Un homme qui crie " est le quatrième long métrage de Mahamat Saleh Haroun après " Bye bye Africa ", " Abouna " et " Daratt ".

Merveille Jessica Atipo
Légendes et crédits photo : 
L’affiche du film/DR
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