Exposition : Kinshasa–(N)Tonga–Entre futur et poussière, une perspective du passé et de l’avenir

Jeudi, Mars 24, 2022 - 15:45

Des photos en noir-blanc et couleurs livrent des images de la capitale d’autrefois, celle que l’on imagine et l’actuelle révélant la ville aux visiteurs de la seconde salle d’exposition de l’Académie des beaux–Arts, sous un jour nouveau, à travers des clichés artistiques assorties à des objets anciens empruntés aux réserves du musée.

La malle Kuba mis en dialogue avec la malle-lit Louis Vuitton Explorator (Adiac)

Cerise sur le gâteau, l’exposition Kinshasa –(N)Tonga – Entre futur et poussière qui a succédé à la présentation du projet Histoires de Miroirs a produit un grand effet sur le public hétéroclite qui y a pris part, le 22 mars, en fin de matinée.

La scénographie mise en relief par les tôles ondulées galvanisées servant de cloisons l’a tout de suite renvoyé à l’image de l’actuelle Kinshasa où les palissades de chantier font partie du décor. Pareil pour les briques entreposées, notamment celles qui ont servi de support au rétroprojecteur de la vidéo The tower : A Concrete Utopia de Sammy Baloji et Filip de Boeck proposant la visite de la tour du Dr Dieudonné Malekani située à Limete.

Les photos noir-blanc qui, du reste, ont le particulier atout de plaire à presque tout le monde, quoique plus prisés par les amateurs d’archives ont presque tout de suite arrêté le regard des visiteurs. Alors que les plus âgés les regardaient d’un œil nostalgique se remémorant le Kinshasa de leur enfance ou même de leur jeunesse, les plus jeunes les scrutaient essayant de deviner assez gauchement de quel bâtiment il pourrait s’agir. Certains les ont renvoyés aux illustrations de leurs livres d’histoire ou vieux magazines aperçus dans les vieilles bibliothèques universitaires ou familiales. Les petites discussions suscitées par ces clichés proposés par Magloire Mpaka tirés de sa collection personnelle datent. Prises entre 1802 et 1960, certaines ont donc plus d’un siècle. L’on comprend qu’il songe à créer un musée avec ces photos ayant appartenu au fond d’archives de Congopresse, l’organe de presse du Service de l’information du gouvernement colonial à Léopoldville.Yves Goldstein, directeur général de Kanal présentant l’exposition Kinshasa –(N)Tonga (Adiac)

De belles découvertes

Il y a eu aussi de belles découvertes, pour la plupart, les pièces de musée à l’instar de la vieille malle en bois incrustées de motifs kuba qui suscité la curiosité. Mise en dialogue avec une vidéo du Louis Vuitton Explorator, une malle-lit ayant appartenu à Pierre Savorgnan de Brazza. Le design particulier de cette pièce contenant un lit en toile pliable a provoqué une certaine d’admiration de la part des visiteurs autant surpris de constater que des kuba se servaient déjà autrefois de valises fabriquées localement pour préserver des objets précieux. Un exemple palpable de traces vivantes du passé, une subtile référence à Living traces, ce « projet passerelle entre Kinshasa et Bruxelles » porté par Kanal-Centre Pompidou dont l’exposition Kinshasa –(N)Tonga a marqué le démarrage ce mardi. D’entrée libre, elle est ouverte au public jusqu’au 20 avril.

Vue d’un pan du mur de la case royale Kuba (Adiac)Les traces du passé sont ces différentes pièces tirées des réserves du musée à l’instar d’un pan du mur de la case royale kuba du Kasaï central où le roi recevait ses hôtes de marque. Mais, ce sont aussi ces archives des architectes Eugène Palumbo et Fernand Tala-Ngai, croquis proposés au président Mobutu qui n’ont existé que sur papier. Prônant le recours à l’authenticité quitte à effacer les traces du colonialisme, le feu maréchal avait inspiré ou plutôt encouragé la conception de bâtiments emblématiques. L’exposition met en lumière certains de ceux qui n’ont jamais vu le jour à l’instar du prestigieux Théâtre de Kinshasa d’Eugène Palumbo jamais réalisé.

Plus contemporaines, les photos en couleur d’Isaac Sahani extraites de sa série ville morte 2, montrant Kinshasa déserte en pleine période de crise sanitaire suite à la pandémie de Covid-19. Seule commune confinée, Gombe d’ordinaire grouillante de monde fait l’effet d’une ville fantôme. Plus actuel encore, il y a les deux diptyques d’Azgard Itambo où sont côte à côte l’Assanef et le saut de mouton tous deux situés au croisement des avenues de la Libération (ex-24 Novembre) et Nyangwe. Un clin d’œil à la politique y est fait, une référence à la fameuse « alternance ». Le passage de pouvoir de Joseph Kabila à Félix Tshisekedi, le saut de mouton construit dans le cadre du projet des "Cent jours", qui est un des signes de la volonté de changement qu’a voulu imprimer le nouveau président dans la ville.

Living traces, a souligné Yves Goldstein, a « pour point de départ une réflexion sur les 60 ans de l’indépendance de la République démocratique du Congo ». Au vernissage de Kinshasa –(N)Tonga – Entre futur et poussière commissarié par Estelle Lecaille, le directeur général de Kanal, a précisé, comme on peut l’observer après en avoir fait le tour, qu’il pose «  un regard à la fois sur le passé et le présent de la RDC et ses liens avec la Belgique ». Comme ce l’est d’ailleurs pour l’ensemble du projet Living traces qui se tiendra de mars 2022 à mars 2023 entre Kinshasa et Bruxelles.

 

 

 

 

 

 

 

 

Nioni Masela
Légendes et crédits photo : 
1 - La malle Kuba mise en dialogue avec la malle-lit Louis Vuitton Explorator / Adiac 2 - Yves Goldstein, directeur général de Kanal présentant l’exposition Kinshasa –(N)Tonga / Adiac 3 - Vue d’un pan du mur de la case royale Kuba / Adiac
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