Réalisations communes des neufs bénéficiaires de la formation reçue à l’occasion de l’atelier sur la cinématographie organisé du 9 au 21 mars dans les locaux du Centre culturel américain, "Molaso" et "L’être" sont les deux courts métrages de cinq minutes chacun présentés à la résidence de l’ambassadeur Mike Halmmer.
La projection organisée en guise de restitution de la formation donnée dans le cadre du programme d’échanges culturels entre Kinshasa et Washington, Arts Envoy, la soirée du 21 mars, n’a pas laissé indifférents les hôtes de l’ambassadeur. En effet, chacun des thèmes abordés dans les films présentés a marqué par la pertinence. "Molaso", projeté en premier, porte sur la prostitution. Sujet souvent tabou, dont les contours ne sont pas discutés publiquement, est présenté sans détour dans un langage cru et même vulgaire, dira-t-on.
Le dialogue du personnage principal, Jered, avec une prostituée qui donne elle-même de menus descriptifs de son physique et même son nom, Lydie, constitue le nœud de l’histoire. « La négociation » que l’on entend et ne voit pas renvoie au caractère secret de la démarche qui se fait à l’ombre des regards indiscrets et en chuchotant presque. L’obscurité, les rues à peine éclairées, les commerces de nuit à la lampe artisanale, dont celui du corps, se font dans une atmosphère feutrée. La même que l’on retrouve, d’ailleurs, au tout début du film quand, dans la pénombre de son studio photo, le photographe Jered évoque la vie d’une jeune prostituée venue se faire photographier à sa cliente du moment sur le ton de la confidence. On dira qu’il engage une conversation intime. A l’entendre raconter, l’on comprend toute l’intrigue que lui inspire la jeune Anita, âgée de 18 ans, qui, a dit Jered au Courrier de Kinshasa, aurait été le personnage principal du documentaire si elle ne s’était pas rétractée au dernier moment.
Evoquant la question du trouble de personnalité, L’être, portrait de Dayana Esebe qui, à l’instar de Jered Modua, livre son expérience personnelle, a tout aussi marqué les esprits. Enfant, bouleversée par le départ d’un père polygame qui constituait son seul appui dans un contexte familial difficile où elle avait grand peine à se faire comprendre, la voix off, celle de Dayana qui se raconte, paraît frêle. Les mots articulés doucement comme avec une certaine nonchalance expliquent notamment : « J’étais une enfant, cette petite fille à qui l’on rappelait à chaque fois qu’elle n’était pas intelligente, cette petite qui n’a pas eu le droit d’être enfant ».
Elle décrit une personne brisée à l’image du verre brisé tenu par une main malhabile de cette fillette à laquelle l’on impose d’écrire à la main droite alors qu’elle se sentait à son aise avec le crayon tenu dans la main gauche. Elle devient justement gauche parce qu’on lui impose de faire les choses à « la normale » sans chercher à comprendre « L’être », ce petit être souffrant dans son for intérieur sans pouvoir l’exprimer. Aussi comprend-on qu’elle dise : « Il m’était très difficile de sourire ou de rire, je n’ai jamais connu ce que signifiait être heureux ».
Heureusement, devenue adulte, comme le montre le dénouement heureux du film avec la Dayana au regard terne, tapie dans la pénombre, est devenue, à la lumière d’un heureux concours de circonstances, une jeune dame souriante. Il y a d’abord la découverte du célèbre documentaire "Le Secret" (The Secret) réalisé à partir du livre de développement personnel de Rhonda Byrne vendu à 28 millions d’exemplaires dans le monde. Elle a fait sien son discours sur « le pouvoir des pensées positives capable de changer en bien la vie des gens ». Puis, avoir cru en Jésus-Christ a donné de la coloration à son visage mais pas que. La Bible sur la table, à la fin du film, le montre à côté des téléphones contenant affiches et photos de l’actuelle Dayana. Aujourd’hui, elle a clairement pris sa revanche étant l’une des jeunes humoristes de la scène kinoise au talent prometteur.
Un travail d’équipe
"Molaso" et "L’être" ont été réalisés par les neuf bénéficiaires de l’atelier cinéma du programme Arts Envoy2022, sous le regard et le conseil avisé de trois formateurs. Il s’agit, en l’occurrence, des jeunes cinéastes Tshoper Kabambi de Kinshasa et ses homologues l’Américaine Victoria Greene ainsi que Bernadette Vivuya de Goma. L’équipe de réalisation scindée en deux groupes. Jered Modua, Zena Van Maleya, Nioni Masela, Martine Babunga et Emmanuelle Kanyeba ont travaillé de concert à la réalisation de "Molaso". Et, de leur côté, Francine Mwika, Tousmy Koli et Celena Ngoy se sont joints à Dayana Esebe pour donner le jour à "L’être".
Tshoper Kabambi, à l’issue de la projection, s’est réjoui que toute l’équipe a construit ensemble, soulignant qu’il s’agit d’un résultat commun, réalisé à la sueur de tous. L’ambassadeur Mike Hammer est, lui aussi, allé de son commentaire sur les films et a expliqué l’essence du programme Arts Envoy. Il a souligné : « Nous, du côté de l’ambassade des États-Unis à Kinshasa, voulons toujours promouvoir l’égalité des genres. Le mois de mars est celui où l’on reconnaît l’histoire des femmes. Cette année, nous avons choisi de cheminer avec les femmes dans la sphère du cinéma. Et, dans le but de soutenir l’art congolais, les films, les productions seront programmées au Festival du cinéma de Kinshasa en juin prochain, l’histoire des femmes congolaises racontée à travers les films congolais, le regard des femmes congolaises à travers le cinéma. Notre intention est de travailler avec la jeunesse, les femmes afin que le monde écoute leurs histoires pour mieux comprendre la situation de la RDC. Mais aussi, nous voulons ainsi promouvoir de bons liens entre les États-Unis et la RDC ».