Interview. Bel’ange Hangidi : « Je suis dans la peau d’une fille qui fait la loi parmi plusieurs gars »

Jeudi, Mars 31, 2022 - 19:29

Rencontrée à la clôture du Festival Connexion Kin, seule présence féminine sur les sept interprètes de la pièce Dans la peau de l’autre de la Compagnie de danse Pepenas, elle ne se laisse pas faire. Sans complexe dans cet univers viril des enfants de rue où les rapports sont musclés, elle s’affirme, mieux s’impose, en exécutant comme eux la danse du serpent. Pour arriver à incarner ce rôle, il lui a fallu une immersion incognito dans le milieu parmi les fortes têtes de Kintambo, la danseuse professionnelle évoque cet épisode de « recherche » dans cet entretien exclusif accordé au Courrier de Kinshasa.

Bel’ange Hangidi au Mont des arts à la clôture du Festival Connexion Kin 7 (DR)

Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : Qui êtes-vous et que faites-vous  ?

Bel’ange Hangidi (B.H.)  : Je suis Bel’Ange Hangidi, une artiste qui évolue à Kinshasa. Je fais de la danse et de la chorégraphie.

L.C.K. : Quel style de danse pratiquez-vous  ?

B.H. : Je suis une danseuse professionnelle depuis cinq ans. La danse urbaine est mon style de prédilection mais je pratique aussi la danse contemporaine.    

L.C.K. : Appartenez-vous à une compagnie de danse  ?

B.H. : Non ! J’ai mon propre groupe dénommé Bel’artblack.

L.C.K. : Mais à quel titre jouez-vous dans la pièce Dans la peau de l’autre de la Compagnie Pepenas de Pepe Elmas Naswa  ?

B.H. : Je collabore avec la Compagnie Pepenas. C’est le premier projet dans lequel j’ai travaillé dans la Compagnie Pepenas mais il y en a un autre en cours de création qui a toujours trait avec les réalités de Kinshasa, Kin mopepe.

L.C.K. : Dans la peau de l’autre, vous êtes la seule danseuse entre six danseurs, est-ce facile de travailler ainsi entourée. Comment avez-vous intégré ce projet  ?

B.H. : C’est un peu compliqué mais je sais m’y faire. Je suis seule parce que je joue le rôle d’une fille qui fait partie d’un gang de danse de la rue. Comment ça se passe dans le milieu des enfants de la rue, les Shégués. La manière dont se comportent les filles face aux garçons dans cet univers, comment elles arrivent à s’imposer même si ils sont nombreux. Quoique toute seule dans ce milieu, la fille que j’incarne arrive à s’imposer. Je suis dans la peau d’une fille qui fait la loi parmi plusieurs gars.

L.C.K. : Comment avez-vous fait pour arriver à incarner ce rôle, s’ériger comme une forte tête dans ce gang masculin  ?

B.H. : J’ai pris le temps d’observer comment se comportent les filles de rue dans leur milieu. J’ai fait un mois d’immersion à Kintambo, aux alentours du rail, il y a beaucoup de filles assez bagarreuses dans ce coin-là. Pendant tout ce temps, je les suivais dans la rue, les marchés pour apprendre à faire comme elles, savoir comment elles s’y prennent pour forger leur caractère. J’ai découvert des « écuries » où les filles font la loi et entretiennent la rage entre gangs. Elles n’ont crainte de rien. J’ai passé du temps à observer leurs attitudes. Je me suis donnée un temps de recherche, j’étais en pleine observation afin de pouvoir entrer dans le bain. C’est ainsi qu’au bout de ce mois, j’ai commencé à pratiquer ce que j’avais vu, à reproduire ce que j’avais observé dans le comportement des filles de la rue.

L.C.K. : Cela explique pourquoi vous êtes dans une espèce de provocation…

B.H. : Oui, dans la plupart de mes scènes je joue à celle qui s’impose. Je montre comment ces filles font en sorte d’imposer leur point de vue.

L.C.K. : Existe-t-il à proprement parler des meneuses, des leaders de gangs féminins  ?

B.H. : Oui, il existe des filles leaders. Comme on le voit à travers « la danse du serpent » Dans la peau de l’autre. Les serpents sont en fait des filles qui sèment le trouble partout où elles débarquent. Elles inoculent leur venin à la manière des serpents car elles sont pleines de rage et sifflent tsss-tsss. Leur passage est toujours suivi de bagarres, ou encore les gars les suivent et cela crée du désordre.

L.C.K. : Comment êtes-vous parvenue à vous intégrer dans ce milieu sans vous faire repérer  ?

B.H. : En arrivant sur les lieux dans le but d’y faire mes recherches, j’avais déjà conditionné mon esprit et j’étais devenue moi-même « phaseur » comme elles. Elles ont essayé de m’intimider au début mais j’agissais comme une des leurs de sorte qu’elles n’ont pas découvert qui j’étais réellement.

Propos recueillis par

 

 

Nioni Masela
Légendes et crédits photo : 
Bel’ange Hangidi au Mont des arts à la clôture du Festival Connexion Kin 7 (DR)
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