Durant ses quatre ans passés à la tête du ministère de l’Économie nationale, Jean-Marie Kalumba est allé à contre-courant des intérêts du secteur privé en République démocratique du Congo. Sa récente destitution par motion de défiance de l’Assemblée nationale a suscité des interrogations de la part des organisations de consommation.
Entre le ministre sortant, Jean-Jacques Kalumba, et la Fédération des entreprises du Congo (FEC), principal patronat national, c’était la guerre déclarée, disent les organisations des consommateurs. Réagissant à sa destitution le 30 mars dernier, le Mouvement national des consommateurs lésés (MNCL) n’hésite pas à parler de la victoire des opérateurs économiques dans la bataille pour l’application « des justes prix » établis par le ministère de l’Économie nationale. Après sa destitution, il y a désormais un grand mystère qui plane sur la suite de sa politique. « Jean-Marie s'était engagé dans une guerre contre les opérateurs économiques, les obligeant à respecter la structure de prix établie par le gouvernement (...). Ils se sont arrangés pour que toute la politique de ce ministre ne marche pas et qu'il soit mis à la porte », explique le MNCL. Pour ce mouvement très en colère, les mesures du ministre déchu ont été adoptées en Conseil des ministres. En somme, c’est toute l’action du gouvernement dans ce secteur qui est remise en cause. « Le patron du gouvernement, en l’occurrence le Premier ministre, doit être le premier à subir la sanction », entend-on dire.
Deux dossiers brûlants
Le débat politique a pris une grande ampleur à l’occasion de la première destitution d’un membre du gouvernement Sama Lukonde. Toutefois, note Paul Bando, expert, il y a véritablement des questions qui nécessitent des réponses claires de l'exécutif national. Sur la base des négociations initiées par le ministère de l’Economie nationale en mai 2021, le Conseil des ministres avait annoncé quelques mesures dans le secteur du transport aérien, par exemple. Dans son magazine « La Lettre », la FEC a noté des avancées significatives, notamment la réduction du taux de la taxe sur la valeur ajoutée, l’allègement des droits de douane à l’importation et la suppression de la structure des prix des redevances sécurité et sûreté qui ont permis, dans leur ensemble, de réduire les prix des principaux trajets de 43 à 56 %, selon les itinéraires. Par contre, il y a les nombreux points de divergence sur le taux d’occupation des aéronefs, la consommation horaire du carburant, le prix du carburant par litre et la vitesse des aéronefs. Ces divergences n’ont pas trouvé de solutions jusqu’au départ du ministre.
L’autre mesure marquante concerne l’importation des produits surgelés. Parmi les avancées significatives, il y a la levée des barrières routières irrégulières, la rationalisation des prélèvements parafiscaux dans la structure des prix et la redynamisation du Comité de suivi des prix des produits de première nécessité. Par contre, selon la FEC, la fiscalité et la parafiscalité ainsi que d’autres perceptions ou prélèvements, parfois sans contrepartie, impactent négativement la structure des prix.
Pour ces deux projets phares du mandat de Jean-Jacques Kalumba, la FEC a fait quelques recommandations qui se trouvent sur la table du ministre sortant. Outre des questions techniques abordées, il y a aussi sa requête sur l’instauration d’un vrai dialogue public-privé avec « un esprit d’ouverture et de concession mutuellement avantageux ». Des termes qui suffisent à susciter l’anxiété des organisations des consommateurs. Le gouvernement serait-il tenté de revenir sur ces décisions, doit-on s’attendre à une nouvelle session de négociations, etc. ? Autant de questions pour lesquelles la position du Premier ministre est très attendue.
Avec le départ du ministre de pour des raisons « d’incompétence », notamment sur le dossier des chinchards commandés par le gouvernement pour les festivités de fin d’année 2021-2022, le gouvernement doit définir la suite de sa politique. « La plus grande crainte est de revenir sur certains acquis, car le débat ne se limitera pas qu’à la commande des chinchards. C’est toute la politique de Kalumba qui sera passée au crible », renchérit Paul Bando. Quant au MNCL, il continue de penser que la République démocratique du Congo ne doit pas continuer à être un pays où le commerce est tenu par les étrangers. « L’État doit se mettre dans une posture de producteur, produire au niveau local, notamment en agriculture. C’est ce qui fera qu’il devienne fort »,estime-t-il.