Elimination des Léopards : Bakambu livre les arcanes du match de Casablanca

Lundi, Avril 4, 2022 - 12:15

La défaite « sans manière » des Léopards de la République démocratique du Congo (RDC), au match retour des barrages de la Coupe du monde Qatar 2022 contre les Lions de l'Atlas du Maroc (1 but à 4 ), à Casablanca, n'est pas encore digérée par les Congolais. Les réactions affluent à ce sujet. Et les audio privés de l’attaquant international Cédric Bakambu, fuités sur les réseaux sociaux, alimentent l’actualité sur cette élimination.

Le joueur de Marseille, en des termes à peine voilés, a annoncé son départ de la sélection. A-t-il été poussé vers la sortie des Léopards ou est-ce une décision prise en âme et conscience ? La question reste posée. Il a écrit sur les réseaux, à l’intention des supporters congolais : « Merci infiniment de nous avoir donné cette force comme vous seuls savez le faire. Que Dieu vous garde. Vous la méritiez, cette participation à la Coupe du monde. Malheureusement, nous n'avons pas réussi à vous l'offrir. Dans la victoire comme dans la défaite, j'ai toujours pris mes responsabilités. Cela ne changera pas aujourd'hui. Ce fut un honneur d'avoir porté le maillot de la RDC ».

Cette dernière phrase traduit une sorte de fin de carrière internationale. Mais, avant cette déclaration, Cédric Bakambu a eu une conversation en privé avec un interlocuteur sur les réseaux sociaux, au cours de laquelle il a révélé les arcanes du match, tout en abordant d’autres maux qui rongent le football congolais. Dans une expression mêlant le français, le langage djeun’s et le verlan, Bakambu s’est ouvert à son interlocuteur. Mais ses propos ont fuité et ont été mis sur la place publique, notamment sur les réseaux sociaux. Clairement, il avait été enregistré. Mais l’ancien joueur de Beijing Gouan et Villareal a analysé le match.

« Un match comme ça, il faut aller avec des mecs qui connaissent. On a l’impression que le coach et son staff ne connaissent pas l’historique, ils ne connaissent pas les joueurs, ils ne connaissent pas le passé. Dans ce genre de match, il faut des mecs qui ont l’expérience, qui sont capables de ressortir le ballon… Pour moi, Gaël (Kakuta) doit commencer le match, et je lui demande tu vas jouer avec qui, il me dit Mpoku, là ça joue à minimum, pas de chandelles… Tout ça c’était prévisible… Mettre de mecs comme Kebano, ça fait longtemps qu’il est en sélection… Ces mecs là connaissent, je n’en veux pas aux autres, Wissa a fait un bon match aller, il n’y a pas de souci. Pour moi, Bastien ne doit pas jouer ce match là, ce n’est pas qu’il n’est pas bon, non. Mais, c’est un match, il faut de la « bouteille » comme on dit… Là, il faut prendre de ballons, il faut obtenir des fautes, il faut  la conserver, il faut faire jouer ton équipe, en gros, on ne te demande pas de faire un match normal, mais là, on te demande de faire le match, dans ce genre de match, il ne faut se cacher, il faut jouer, parce que si tu te caches, tu donnes de la confiance à l’adversaire, et nous, c’est là qu’on a péché, on les aura donné trop de force, les Marocains, c’est ça qui nous a tués. Parce qu’en soi, oui, Maroc, quatre à un, certes, mais ce n’était pas un grand Maroc, même si ils avaient mis cinq ou six buts. Avec un peu plus de détermination de notre part, on aurait pu les mettre en danger, et ça n’aurait pas été le même match, on leur a trop facilité le match, je ne dis pas qu’on aurait fait match nul ou gagné, mais on leur a trop facilité le match, et les Arabes, une fois qu’ils sont en confiance, en plus chez eux, stade plein, c’est fini…», a-t-il laissé entendre.

La composition

Parlant de la composition et du coaching du match, Bakambu a été amer : « Son truc a marché dans aucun sens. Si tu mets cinq défenseurs, c’est pour solidifier derrière. On prend deux buts en première mi-temps, et devant, on n’arrive même pas à se procurer des actions. C’était nul. Le terrain, c’est pour jouer… En plus, tu as un banc de touche gros, avec Malango, Mbokani quand il est entré, il a gagné tous les duels de la tête, Malango est entré boum direct but. Polo (Paul-José Mpoku) nous aurait fait du bien pour la sortie de ballon, je disais au coach pourquoi on ne fait pas jouer Polo ? Je ne comprends pas, on a Kakuta, Kebano ! Pour un match comme ça, le banc c’était la folie ! Mais non, on amène cinq défenseurs comme si l’on avait gagné deux à zéro au match aller et on doit solidifier la défense. On joue à trois derrière, et les deux sur les côtés ça fait cinq, et le gardien, ça fait six joueurs derrière, et on n’arrive pas à repartir de derrière, si c’est pour mettre deux pétards devant, c’est en ramener trois défenseurs derrière,…  ».

Et il a poursuivi : « Dans les buts que j’ai marqués à Marseille, il y a de la recherche, on combine… Mais contre le Maroc, ce n’était pas possible, on ne pouvait rien faire… J’essaie de m’associer, mais pas possible. C’était prévisible, à un moment donné, chacun doit prendre ses responsabilités, même nous les joueurs… Moi, j’ai vu… carrément la compo, j’étais sceptique. On était au courant. Avant le match, j’étais déjà en discussion avec le coach, on était au courant et je l’ai dit aux joueurs, mais ils étaient là… Et ce n’est pas dans les vestiaires qu’il fallait s’énerver, mais ils devraient le faire quand je leur ai dit sur la compo parce qu’ils ont l’expérience et savaient qu’avec cette compo, on allait se faire ‘marbrer’... ».

Les supporters

Vilipendé par certains supporters, Bakambu a eu quelques mots pour eux, leur courroux est normal. « Les supporters, il faut les éduquer, eux, ils s’enfichent des tenants et des aboutissants, ils ne voient que la finalité, et c’est normal, je ne leur en veux même pas… Mais il y a plein de petites choses qu’on doit mettre bout à bout pour qu’on en arrive là. C’est bien beau de croire qu’on va battre le Maroc, qu’on va aller à la Coupe du monde, je veux bien… Mais tout ça se prépare, ce n’est pas sur un malentendu qu’on peut se retrouver au Qatar, non. Sinon, on allait de toute façon se faire ‘marbrer’ là bas », avance-t-il.

Le mal est profond

« Quand je vois de sélections, comme le Mali, je me dis qu’on a trop de retard. Le Mali, ils n’ont même pas d’argent, mais ils sont structurés, ils ont des académies, des stades, en Tanzanie, ils ont des stades, Madagascar a des stades, regardez le stade que le Sénégal s’est fait livrer, mais ici, on n’y arrive pas, on n’a pas cette culture du football, en fait, on s’aime pas. Vous voulez aller là bas (Qatar) oui, mais vous ne mettez pas les moyens. Pour moi, on ne se donne pas les moyens de réussir dans le football, dans tout, dans les infrastructures, dans les choix, dans les trucs de coachs, on ne se donne pas les moyens dans le choix de l’équipe. On n’a pas de centre d’entraînement, sur les dix dernières équipes qui restent, on est la seule qui n’a pas de centre d’entraînement, la seule à ne pas avoir de stade homologué, on n’a pas de sièges dans le stade, on n’a pas le droit d’être dans le stade, c’est trop… D’un côté, j’ai envie d’arrêter, mais de l’autre, il y a des mecs comme Bongonda, Wissa, ils viennent d’arriver. Si tu te barres, c’est quel message que tu envoies ? Le mal est profond… », a conclu Cédric Bakambu dans cet échange privé désormais public.

Martin Enyimo
Légendes et crédits photo : 
Cédric Bakambu.
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