Fonds monétaire international : agrandir le département Afrique

Vendredi, Avril 8, 2022 - 13:47

Le Fonds monétaire international (FMI) a célébré le soixantième anniversaire de son département Afrique fin 2021. Malgré des avancées reconnues, il est possible de faire plus, tout en gommant certaines traces du passé colonial du continent.

La participation de l’Afrique restera limitée au moment de la création du FMI, à cause des statuts de l’institution. Le FMI est créé en 1945 dans le cadre de l'architecture financière internationale issue de la Seconde Guerre mondiale. Seuls trois pays africains en sont membres : l'Égypte, l'Éthiopie et l'Afrique du Sud. Le Libéria a pris part aux délibérations sur sa création mais n' y adhère qu'en 1962. En effet, l'ordre mondial international qui reflétait et étayait autrefois le colonialisme excluait la plupart des pays africains de l'adhésion au FMI. Ils étaient soumis aux attributions de l'institution en tant que colonies de ses membres européens. Le chemin  parcouru jusqu’ici n’est pas suffisant. Tous les pays africains (cinquante-quatre) sont membres du FMI qui compte 190 pays - une condition juridique pour adhérer à la Banque  mondiale (BM). Ces deux institutions, le FMI et la BM, agissent comme un contrepoids à l'héritage de la dépendance coloniale dont les pays africains se sont efforcés de se sortir. À l'inverse, les institutions doivent rester vigilantes et ne pas se positionner comme perpétuant l'héritage colonial, souligne l’économiste mozambicain, Thomas Laryea.

L'Afrique du Sud a été désignée comme faisant partie du département européen du FMI jusqu'en 1992, une approche reflétant l’existence de tireurs de ficelle au sein de la communauté internationale qui protégeaient le régime d'apartheid de l'intégration économique. L’autre élément concerne l’exclusion des pays d’Afrique du nord du département Afrique du FMI, plutôt classés dans le département Moyen-Orient et Asie centrale. Tout ceci tend à fausser les statistiques du FMI, tant au niveau des analyses nationales ou régionales ainsi que des prescriptions politiques. « L'anachronisme de la structure organisationnelle du FMI […] résonne avec une mentalité de diviser pour mieux régner qui fait indéniablement partie des relations internationales avec l'Afrique », déplore Thomas Laryea. Après l'effondrement de l'Union soviétique, la Russie a été acceptée comme membre permanent du FMI. Et les nouveaux États d'Europe centrale et orientale qui en ont résulté ont demandé leur adhésion. Le FMI a d'abord réagi en créant un deuxième département européen, puis le directeur général de l'institution a aboli le clivage en 2003 et rétabli un département européen unique, reconnaissant les avantages d'une approche plus intégrée, d'autant plus que de nombreux nouveaux pays membres du FMI étaient candidats à l'adhésion à l'Union européenne.

Depuis la création du département Afrique, des institutions panafricaines tout aussi importantes se sont développées - la Banque africaine de développement et l'Union africaine. L'avènement de la Zone de libre-échange continentale africaine en 2018 est un autre exemple des efforts d'intégration des économies du continent. « Et pourtant, contrairement à l'Europe, l'Afrique reste divisée au sein du FMI », s’étonne Thomas Laryea. Au cours de la dernière décennie, certaines réformes ont légèrement renforcé la voix des pays africains au sein du FMI. Par exemple, l’augmentation des amendements aux statuts du FMI, la nomination d'administrateurs suppléants supplémentaires, ce qui a donné aux pays africains davantage de ressources pour être représentés au Conseil d'administration du FMI.

Kristalina Georgieva : l’Afrique est une priorité élevée

La structure interne des départements relève du pouvoir de décision du directeur général du FMI. La directrice actuelle, Kristalina Georgieva, a souligné que l'Afrique est une priorité élevée. Elle peut donc « traduire cette priorité dans la structure organisationnelle du FMI afin de créer une vision plus cohérente de l'Afrique. L'une de mes préoccupations est que l'anachronisme de la structure organisationnelle du FMI résonne également avec une mentalité "de diviser pour mieux régner" qui fait indéniablement partie des relations internationales avec l'Afrique depuis bien trop longtemps », souligne Thomas Laryea. Il ajoute : « Le débat politique actuel semble animé à la fois par d'autres gouvernements qui manœuvrent pour exercer une influence sur les pays africains et par l'indifférence aux intérêts exprimés à plus long terme des nations africaines ».

Pour l’économiste, le FMI peut aider à protéger l'Afrique contre l'utilisation abusive de la pandémie de covid-19 pour ramener le continent dans « des dépendances politico-économiques dépassées », citant, par exemple, certaines parties de la communauté internationale qui n'ont pas accepté que l'Afrique a besoin d'un accès durable à des sources privées de financement pour ses objectifs de développement. «  Le soi-disant sommet sur le financement des économies africaines, convoqué par le gouvernement français en mai [2021], en est une triste illustration. Les invitations étaient limitées au seul secteur gouvernemental, comme si la finance privée n'avait aucun rôle à jouer dans le développement de l'Afrique », dit-il.

Une récente conversation entre Kristalina Georgieva et la patronne de l’Organisation mondiale du commerce, Okonjo-Iweala, a mis en perspective le passé, le présent et l'avenir de l'Afrique, ainsi que ses relations avec les institutions internationales.  Ce réalignement proposé de la structure organisationnelle et de l'orientation stratégique du FMI pour atténuer les divisions artificielles imposées aux nations africaines s'inspire de cette même perspective. 

Noël Ndong
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