Guinée Conakry : la junte au pouvoir dévoile les étapes de la transition

Mardi, Avril 19, 2022 - 15:14

Le ministre guinéen de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, Mory Condé, a dévoilé, le 15 avril, les dix étapes qui doivent mener au retour à l’ordre constitutionnel, sans toutefois donner un calendrier précis.

Au cours d’une cérémonie solennelle, le colonel Mamadi Doumbouya, président de la transition et chef du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD), a lancé officiellement les travaux du dialogue inclusif.

« Nos problèmes doivent se régler entre nous. C’est pourquoi nous avons décidé de mettre en place un cadre de concertation.  Vous savez, il y a plusieurs réformes à mener dans notre pays et il faut le faire parce que si on ne le fait pas, je ne pense pas et je ne crois pas que quelqu’un d’autre va le faire à notre place », a déclaré le colonel Mamadi Doumbouya dans son discours.

Invoquant la dette morale de l’ensemble de la population envers la République de Guinée, le président de la transition a une nouvelle fois profité de cette occasion pour inviter ses compatriotes « à dialoguer, à se parler, à s’écouter et à trouver des solutions pour le pays ».

Pour sa part, le ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, Mory Condé, a dévoilé les étapes devant conduire au retour à l’ordre constitutionnel sans indiquer le calendrier. Selon le programme détaillé, la fin de la transition doit passer par « le recensement général de la population, le recensement administratif à vocation d’état-civil, l’établissement du fichier électoral, l’élaboration de la nouvelle Constitution, l’organisation du scrutin référendaire, l’élaboration des textes de lois organiques, l’organisation des élections locales puis législatives, la mise en place des institutions nationales issues de la nouvelle Constitution, et enfin l’organisation de l’élection présidentielle ».

Par ailleurs, dans une correspondance adressée à l’Alliance nationale pour l’alternance et la démocratie, une coalition d’une vingtaine de partis politiques présidée par l’ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo, chef de l’opposition et leader de l’Union des forces démocratiques de Guinée, le ministre Mory Condé a demandé une proposition de chronogramme de la transition à lui transmettre au plus tard le 20 avril.

Présent lors du lancement de ce cadre de dialogue inclusif, l’ancien Premier ministre Lansana Kouyaté, qui préside aussi le Parti de l’espoir pour le développement national, a déclaré devant la presse : « Opter pour la chaise vide, je crois que ce n’est pas respectueux de ce que les Guinéens veulent. Il faut participer, dire ce qu’on pense et le dire avec sincérité et franchise pour éviter le chaos. »

Le dialogue boycotté par certains acteurs locaux

De nombreuses formations politiques réunies au sein du G58, notamment l’Union des forces démocratiques de Guinée, l’Union des forces républicaines, mais également le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG Arc-en-ciel, le parti de l’ex-président Alpha Condé), n’ont pas pris part à cette session inaugurale. Le RPG et ses alliés réclament la présomption d’innocence pour son leader, l’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana, emprisonné à Conakry depuis le début de ce mois pour des faits présumés d’enrichissement illicite et de détournement de deniers publics. Par ailleurs, l’ancien parti au pouvoir exige également la libération d’Alpha Condé, placé en résidence surveillée depuis son retour au bercail le 8 avril dernier.

Réunis quelques jours avant, à Conakry, les leaders politiques membres du G58 ont relevé plusieurs insuffisances qui, selon eux, ne leur permettent pas de participer au dialogue. Outre un cadre de concertation indépendant, impartial et transparent, placé par ailleurs sous l’égide de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Oues (Cédéao), le G58 exige la liste nominative des membres du CNRD, ainsi que l’ouverture des procès relatifs aux crimes de sang commis dans le pays par le passé. À peu de choses près, les mêmes exigences sont formulées par certaines organisations de la société civile telles que la coordination nationale du Front national pour la défense de la Constitution.

Plus de sept mois après l’arrivée de la junte au pouvoir, une partie de la population guinéenne s’interroge toujours sur les véritables intentions du colonel Mamadi Doumbouya et le CNRD.

Spécialiste des questions de sécurité et responsable du Centre d’analyse et d’études stratégiques de Guinée, Mamadou Aliou Barry a estimé que « par les actes qu’ils posent, le colonel Mamadi Doumbouya et le CNRD sont là pour un bon moment. Et c’est la raison pour laquelle ils ont du mal à déposer un chronogramme aussi bien au niveau des partis politiques que de la société civile et de la Cédéao. Ils annoncent un programme en dix étapes avant le retour à l’ordre constitutionnel. Mais sur aucune des étapes il n’y a de durée. J’ai la nette impression qu’ils sont encore en train de réfléchir à déposer un chronogramme, mais il ne sera pas accepté par la Cédéao, parce que les actions qu’ils sont en train de poser nécessitent une durée minimum de cinq ans ».

Rappelons que l’ultimatum de la Cédéao expire le 25 avril  et elle attend notamment « un calendrier acceptable pour la transition. »

Yvette Reine Nzaba
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