Présenté en primeur à Kinshasa par les Prs Gubarika et Kadima Nzuji, le 16 avril, dans la bibliothèque du Centre Wallonie-Bruxelles, le dixième roman d’Henri Djombo, homme politique et brillant écrivain du Congo-Brazzaville, passe pour un vibrant plaidoyer pour la reconnaissance mutuelle des peuples autochtones et bantous.
La couverture du roman est illustrée par deux hommes que l’on est tout de suite tenté d’identifier, à leur taille, à un bantou et un pygmée, posant dans un décor champêtre luxuriant. Il pourrait laisser croire que cela se rapporte à la vie champêtre, en référence aux fonctions exercées autrefois par l’auteur qui fut ministre de l’Économie forestière. Mais son propos, comme l’ont indiqué tour à tour les trois critiques littéraires qui l’ont effeuillé, va au-delà d’une simple ode à la nature. Il se penche sur un conflit perpétuel et s’engage résolument dans une voie de résolution pacifique. Jeune critique, David Muteba y a vu « un roman engagé qui invite à réfléchir sur les problèmes qui rongent nos différentes sociétés », dans le cas d’espèce, bantous et pygmées. A savoir que le récit de "Gahi ou l’affaire autochtone" est porté en toile de fond par le couple Joseph Niamo-Gahi, le bantou qui épouse l’autochtone.
En écho à son prédécesseur, le Pr Gubarika a tenu le roman de 203 pages, écrit en seize chapitres, pour « un vibrant plaidoyer pour la reconnaissance mutuelle de deux peuples en vue de leur coexistence harmonieuse ». Ce qui, de l’avis du troisième critique, renvoie à l’originalité du roman qu’il dépeint de la sorte : « Ce livre, je l’ai aimé, parce que la thématique m’a paru nouvelle », a dit l’écrivain et critique littéraire Mukala Kadima Nzuji. À l’éminent professeur d’expliquer ici que « l’auteur s’inscrit dans une tradition qui ne s’est pas beaucoup développée ». Il a souligné qu’Henri Djombo fait figure d’exception en comparaison avec les ouvrages abordant la question des peuples autochtones, à l’instar notamment de "Lettre d’un pygmée à un bantou". Savoir donc que, soutient-il, « ce qui fait la différence entre "Gahi ou l’affaire autochtone" avec les autres, c’est que ces derniers montrent la chasse aux pygmées, ils sont sur le qui-vive en permanence ». Alors que dans « Gahi le ton est différent et la problématique n’est plus tout à fait la même ». Ce qui intéresse l’auteur, affirme Kadima Nzuji, « ce n’est pas la chasse aux pygmées, mais le conflit qui existe entre les autochtones et les bantous. Son rêve dans ce roman, c’est d’emmener les deux communautés à vivre ensemble, à pratiquer la coexistence pacifique ».
De l’imagination pure
Par ailleurs, dans son commentaire personnel à propos de son dixième roman, Henri Djombo a précisé qu’il ne s’agit pas d’une autobiographie: « C’est de l’imagination pure qui est contenue dans ces pages ». Quoique, a-t-il ajouté: « J’ai tissé ce récit faisant une sorte de travail d’orfèvre, je n’invente rien, je ne crée rien. Je prends dans la nature ce qui existe, je le façonne et le présente ».
Fort du constat que les relations cordiales ne sont pas à l’ordre du jour, « la cohabitation entre bantous et pygmées est une exploitation d’une des communautés. Les autochtones sont utilisés comme des vils travailleurs, cultivant les champs, pour les bantous moyennant une rémunération dégradante ». L'auteur a décidé de réagir à l’aide de sa plume mais pas que. « L’on ne peut pas vivre toute une vie avec la connaissance de cette réalité et continuer de rester indifférent. C’est ce qui nous a motivé de lancer l’initiative pour les peuples autochtones », a-t-il indiqué à l’attention de l’assistance.
Paru en février dernier aux éditions LC, "Gahi ou l’affaire autochtone" a été porté sur les fonts baptismaux par la commissaire générale chargée de la Coopération, Francophonie et Porte-parole du gouvernement provincial, Yolande Elebe. Henri Djombo, tenu pour un auteur majeur par son homologue, Mukala Kadima Nzuji, a présenté son nouveau roman en primeur à Kinshasa au grand bonheur de ses pairs présents. Ceux-ci ont applaudi ce choix et ont émis le vœu de voir se raviver les échanges autrefois fréquents entre les écrivains des deux rives.