Méditerranée orientale: la Russie renforce sa présence sous l'œil vigilant des Occidentaux

Jeudi, Avril 21, 2022 - 18:51

Avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, la Russie a renforcé ses capacités militaires en Méditerranée orientale, vue comme une base arrière de la mer Noire et du terrain d'affrontements, rapportent des observateurs militaires français en Grèce.

"Il y a actuellement une vingtaine de bateaux russes en Méditerranée, la Russie a doublé voire triplé ses capacités militaires dans la zone (destroyeurs, frégates, sous-marins...)", explique à l'AFP le capitaine de vaisseau et officier de communication régionale de l'armée française en Méditerranée, Thibault Lavernhe. Ce retour en force russe en Méditerranée orientale s'est opéré progressivement depuis le conflit en Syrie lorsque Moscou a commencé à déployer des navires dans le port syrien de Tartous, la seule installation navale russe permanente en dehors des limites de l’ancienne Union soviétique. 

"La nouveauté est l'étalement à l'ouest de la présence russe : au nord de la Crète mais aussi à l'ouest de la Grèce dans le Péloponnèse, et au nord de la mer Égée près de la mer Noire", souligne le capitaine français, selon lequel "des bateaux russes se sont positionnés pour contrôler l'activité des forces alliées".

Le déploiement de la flotte russe dans la zone, qui avait débuté avant l'invasion de l'Ukraine le 24 février, peut servir, selon les analystes, à envoyer des renforts, des soldats et de l'armement en Ukraine, mais aussi à tirer des missiles de croisière depuis les vaisseaux, en appui aux opérations au sol. 

"Là où sont les Américains, les Russes le sont aussi", constate le capitaine Lavernhe. Car les forces américaines, qui s'étaient désengagées de la zone méditerranéenne depuis une dizaine d'années, opèrent elles aussi un changement de tactique. "L’Ukraine a changé la donne. Depuis la guerre froide, c'est du jamais vu, les Américains signent leur grand retour", observe l'officier de la marine française. "Les Américains ont, par exemple, envoyé depuis l'Océan indien une dizaine de bateaux pour surveiller la région méditerranéenne", précise-t-il. 

L'Atlantique 2 en surveillance

Sur la base de l'Otan de Souda, en Crète, est stationné un avion impressionnant au cockpit de verre permettant une vue à 180°. Objectif: "montrer aux Russes que la Méditerranée orientale est un espace de manœuvre des alliés de l'Otan", indique un capitaine de corvette.

Construit par l'entreprise française Dassault, l'Atlantique 2, volant à seulement trente mètres au-dessus de la mer, est idéal pour une observation pointue du trafic maritime. L'avion est équipé de capteurs et radars, d'une caméra très performante de 3.200 mm, d'un système détectant les champs magnétiques, utile pour repérer un sous-marin, et d'un soutien électronique pour capter les radars environnants. Il sert surtout à établir une situation de surface et repérer les bateaux sur la zone. Il permet aussi d’établir de quelles nationalités sont les navires car tous les bateaux de plus de douze mètres doivent être enregistrés et avoir un boitier allumé détectable. Toutes les informations sont partagées avec l’état major français mais aussi avec le commandement de l'Otan.

Volonté de désescalade

"Dans un cadre offensif, nous pouvons aussi guider l’assaut, trouver les cibles à viser, aider les avions de chasse", renchérit le capitaine de corvette. "Mais nous ne sommes pas dans une situation de crise dans cette zone, l'objectif est simplement de préserver la sécurité de l'Europe", rassure-t-il.

La Méditerranée est une zone stratégique pour l'Europe et l'Otan car 65% de l'approvisionnement énergétique mondial et 30% du commerce mondial y transitent. Dès lors, se positionner dans la région est aussi un moyen de protéger les intérêts économiques occidentaux. La Turquie a interdit le passage du Bosphore et du détroit des Dardanelles à tous les bâtiments de guerre.

L'Atlantique 2 aurait les moyens de survoler la mer Noire, qui n'est pas interdite au trafic aérien. Mais "les Alliés n'y vont pas car notre volonté est une désescalade des tensions avec la Russie". 

Dans un message aux armées, le président français, Emmanuel Macron, a appelé à "une grande vigilance et la retenue nécessaire".

AFP
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