Les graines de nouvelles « émeutes de la faim » sont-elles plantées en Afrique subsaharienne ? La flambée des prix alimentaires fait craindre des « troubles sociaux » sur le continent, indique le FMI. La guerre en Ukraine, couplée à l’explosion des prix alimentaires, renforce « les craintes à l'égard de la sécurité alimentaire [qui] se sont nettement accentuées », accroissant ainsi « les risques de troubles sociaux » au sein des pays vulnérables, a alerté l'institution de Washington dans un rapport régional. « Nous sommes très inquiets de la récente flambée des prix des aliments et du carburant » sur le continent, a commenté le directeur Afrique au FMI, Abebe Aemro Selassie, relevant des risques de « protestations sociales ». Un choc qui frappe « de manière extrêmement ciblée les plus pauvres » par l’augmentation des prix alimentaires, des carburants et du transport ainsi que des producteurs de biens et services qui rehaussent leurs prix. Il s’agit là d’une flambée des prix des denrées alimentaires sans précédent. Ils ont effacé celui de 2011, selon l'indice de l'Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture ( FAO).
La progression des prix du blé est « particulièrement préoccupante », selon le FMI dans son rapport intitulé « Un nouveau choc et une faible marge de manœuvre ». 85 % de la consommation des céréales de l’Afrique subsaharienne est importée. Les importations de blé, de riz et de maïs représentent plus de 40 % des calories journalières au Botswana, au Lesotho, à l'île Maurice et au Cap-Vert. Ce qui aura des conséquences rapides dans les pays les plus fragilisés par l'insécurité alimentaire (Madagascar, République démocratique du Congo et les Etats du Sahel). Alors que la guerre en Ukraine ne montre pas de signe d'accalmie, « la hausse des prix des denrées alimentaires exacerbera l'insécurité alimentaire et les tensions sociales », craint le FMI. C'est justement une forte augmentation des prix des aliments de base qui avait précédé les « émeutes de la faim » de 2008, provoquant des mouvements de protestations dans une trentaine de pays, notamment au Sénégal et au Cameroun, au Maghreb et dans les Caraïbes.
Faut-il craindre un acte II des émeutes de la faim?
Le FMI reste prudent quant à de potentielles révoltes violentes. Le directeur général de la FAO, Qu Dongyu, a pour sa part dressé un parallèle entre l'explosion de 2008 et la situation actuelle : les deux crises sont marquées par une flambée des prix alimentaires, des carburants, des engrais ainsi que des transports, a-t-il affirmé. La situation est même potentiellement plus problématique cette fois, a-t-il ajouté, en raison de deux années de pandémie et des risques majeurs que fait peser la guerre en Ukraine sur les récoltes de l'an prochain. La pandémie a fait augmenter le nombre de personnes sous alimentées à un quart de la population sub-saharienne en 2021, calcule le FMI. Une redite de 2008 « peut être évitée », a toutefois estimé Qu Dongyu, évoquant la nécessité de ne pas voir s'accélérer les restrictions à l'export sur les aliments. Le FMI s'inquiète aussi quant aux capacités budgétaires des Etats, dans une région dont la croissance économique devrait ralentir cette année à 3,8 %.
« Bien plus de pays d'Afrique subsaharienne étaient en meilleure santé budgétaire en 2008-2009 pour absorber le choc », indique Abebe Aemro Selassie. « Cette fois, avec des dettes publiques aussi élevées dans autant de pays, les marges de manœuvre sont fortement diminuées », a-t-il averti, appelant la communauté internationale à soutenir la région « de la manière la plus énergique possible ».
|