Coopération : Paris juge "injustifiée" la décision de son retrait du sol malien

Vendredi, Mai 6, 2022 - 15:00

La tension ne cesse de monter entre Paris et Bamako. La France juge  « injustifiée » la décision du Mali de dénoncer leurs accords bilatéraux de défense. L’Union européenne appelle à une coopération constructive entre les autorités de transition et les forces européennes et internationales. Bamako presse Paris à retirer ses soldats de son territoire, alors que celle-ci veut poursuivre son retrait « en bon ordre ».

La France parle de « décision injustifiée » du Mali sur les accords de défense qui lient les deux pays. Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a réaffirmé une certaine vigilance de son pays « à l’égard de toute tentative de manipulation de l’information et rappelle sa détermination à assurer la sécurité de ses soldats et des soldats européens ». Il considère la décision de Bamako sur le traité de coopération « déterminant le statut des détachements non français de la force Takuba comme une décision injustifiée », et « conteste formellement toute violation du cadre juridique bilatéral qui serait imputable à la force Barkhane ». Jean-Yves Le Drian a réaffirmé une vigilance à l’égard de toute tentative de manipulation de l’information, rappelant la détermination de la France «  à assurer la sécurité de ses soldats et des soldats européens engagés à ses côtés au cours de cette phase de désengagement ». Déjà, fin janvier, les autorités maliennes ont appelé l’armée française à quitter sans délai le territoire malien et ont expulsé sine die l'ambassadeur français à Bamako. L'appel avait été rejeté par la France.

Le chef de la diplomatie française a souligné que « La France poursuivra le retrait en bon ordre de sa présence militaire au Mali, conformément aux engagements pris à l’égard de ses partenaires et dans un souci de coordination et de dialogue respectueux avec les forces armées maliennes. La France réaffirme sa vigilance à l’égard de toute tentative de manipulation de l’information et rappelle sa détermination à assurer la sécurité de ses soldats et des soldats européens engagés à ses côtés au cours de cette phase de désengagement ».

A l’échelon supérieur, l’Union européenne a regretté la décision malienne, suite sa dénonciation des accords de défense avec la France, soulignant qu’elle ne favorise pas un climat apaisé et une coopération face au terrorisme. Le gouvernement malien a dénoncé, le 2 mai, le traité de coopération en matière de défense du 16 juillet 2014 entre le Mali et la France ainsi que le protocole additionnel des 6 et 10 mars 2020 déterminant le statut des détachements non français de la force Takuba, pour multiples violations de l’espace aérien malien par des aéronefs militaires malgré l’instauration d’une zone d’interdiction. Le chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop, déclarait qu’ « à compter du 2 mai, l’accord qui concerne Barkhane et l’accord qui concerne Takuba cessent de produire leur effet vis-à-vis du Mali (…) et ça veut dire qu’à partir de cet instant, il n’y a pas de base légale pour la France d’opérer sur le sol malien ». Pour le porte-parole de l’Union européenne, Josep Borell, « cette décision n’est pas de nature à favoriser un climat apaisé et une coopération dont nous avons besoin dans la lutte contre le terrorisme », appelant « à une coopération constructive entre les autorités de transition et les forces européennes et internationales » présentes au Mali.

Engagée dans deux missions de formation au Mali, l’EUTM avec un mandat qui court jusqu’au 18 mai 2024, et l’EUCAP avec un mandat qui court jusqu’au 31 janvier 2023, l’Union européenne a décidé, le 11 avril, « d’arrêter » ses missions de formation et d’entraînement de l’armée et de la garde nationale au Mali, mais tout en restant au Sahel et en se déployant dans les pays voisins.

L’Allemagne annonce le retrait de ses forces au Mali

L’Allemagne a annoncé son retrait de la force de mission de l'Union européenne au Mali au profit des forces militaires. Berlin estime que les conditions politiques pour un tel engagement ne sont plus réunies, mais espère pouvoir maintenir sa participation à la Minusma. En cause, la dégradation des relations avec le Mali, le report des élections et l’accord de coopération avec le groupe paramilitaire privé russe Wagner. « Le gouvernement malien n’a pris aucun engagement sur la tenue d’élections et la perspective que des soldats que nous avons formés combattent aux côtés de soldats russes et portent atteinte aux droits de l’homme, cela n’est pas compatible avec notre vision des choses. C’est pourquoi nous allons mettre fin à notre mission de formation au Mali », a indiqué la ministre allemande de la Défense, Christine Lambrecht. Berlin ne veut toutefois pas se retirer complètement du Mali.

Notons qu’au lendemain de la décision du Mali de rompre les accords de défense qui le lient à la France et les accusations d’espionnage, la Russie a convoqué une réunion au Conseil de sécurité de l’ONU pour que les deux parties  « s’expliquent ». Cette réunion s’est soldée par des clashes entre les ambassadeurs à l’ONU de la France et la Russie, qui mènent une « guerre froide », depuis que le Mali s’est détaché de son partenariat avec la France pour se rapprocher de la Russie. Agacé, le gouvernement du Mali a manifesté sa condamnation en invitant les Forces françaises à respecter la souveraineté du pays. Par ailleurs, il a réaffirmé sa volonté de promouvoir et de maintenir la coopération avec l’ensemble des Etats du monde dans le respect mutuel et sur la base du principe cardinal de non-ingérence. Le gouvernement malien peut-il rompre de manière unilatérale un accord qui le lie à un autre Etat ?

Noël Ndong
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