Crise alimentaire: la guerre en Ukraine augmente les risques en Afrique

Mardi, Mai 10, 2022 - 11:26

Les niveaux de faim en 2021 ont dépassé tous les records précédents et la situation devrait s’aggraver cette année en raison de la guerre en Ukraine, selon un rapport. L’Afrique serait le continent le plus touché.  Déjà sous le choc de la covid-19, les combats en Ukraine ont introduit de nouveaux risques susceptibles d'avoir un impact sur le continent. 

 

 Environ 193 millions de personnes étaient en situation d’insécurité alimentaire aiguë et avaient besoin d’une aide urgente dans cinquante-trois pays et territoires en 2021. C’est une augmentation de près de quarante millions de personnes par rapport à 2020, selon « Le rapport mondial sur les crises alimentaires en 2022 » . Plus d’un demi-million de personnes étaient confrontées à des niveaux catastrophiques d’insécurité alimentaire aiguë, caractérisés par la famine et la mort (Éthiopie, Soudan du Sud, Madagascar et Yémen), soit quatre fois plus qu’en 2020. L’insécurité alimentaire aiguë dans le monde devrait encore se détériorer en raison du conflit en Ukraine et de ses répercussions sur les prix des denrées alimentaires, l’énergie et des engrais. L'invasion de l'Ukraine par la Russie affectera la sécurité alimentaire en Afrique, en matière de disponibilité et de prix des aliments importés, ainsi qu’en ce qui concerne les incertitudes croissantes sur les marchés financiers mondiaux et les chaînes d'approvisionnement. La Russie et l'Ukraine, souvent qualifiées de grenier à blé du monde, sont des acteurs majeurs de l'exportation de blé et de tournesol vers l'Afrique. Ces deux pays représentent 80% de toutes les importations de blé de l'Algérie, de l'Égypte, de la Libye, du Maroc, de la Tunisie, du Nigeria, de l'Éthiopie, du Soudan et de l'Afrique du Sud. 

Une augmentation du nombre de faim attribuée aux conflits

Le directeur exécutif du Programme alimentaire mondial a attribué l’augmentation du nombre de faim aux conflits. Si les crises alimentaires seraient motivées par de nombreux facteurs, les conflits et l’insécurité restaient la cause la plus importante. Les conflits ont également été le principal moteur dans trois des quatre pays dont la population connaît des niveaux de catastrophe. Les chocs économiques ont été le principal moteur de l’insécurité alimentaire aiguë dans vingt et un pays, tandis que les conditions météorologiques extrêmes ont été la principale cause pour huit pays africains.  Le rapport souligne des détériorations majeures attendues dans le nord du Nigeria, au Yémen, au Burkina Faso et au Niger en raison du conflit, ainsi qu’au Kenya, au Soudan du Sud et en Somalie, frappés par des saisons des pluies inférieures à la moyenne. Le rapport démontre « à quel point la combinaison des conflits, des extrêmes climatiques de de la pandémie covid-19 a été dévastatrice pour les personnes les plus vulnérables », a souligné le directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, Qu Dongyu. La Directrice du bureau Afrique du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), Ahunna Eziakonwa, a déclaré que la pandémie de covid-19 avait déjà créé un « immense mécontentement » à travers le continent, plongeant des dizaines de millions de personnes dans la pauvreté et « faisant reculer » la démocratie dans certaines parties de l'Afrique.  

Augmentation de la pauvreté et des inégalités

L'économiste principal du Pnud pour l'Afrique, Raymond Gilpin, a indiqué que la dépendance du continent vis-à-vis des importations de nourriture, de carburant, de médicaments et de biens de consommation le rendait particulièrement vulnérable à la hausse de l'inflation mondiale. Décrivant la situation comme « une crise sans précédent pour le continent », l'Afrique est confrontée à la fois aux « effets continus de la covid... aux effets nouvellement ressentis de la guerre russo-ukrainienne et... aux défis et aux pressions liés au climat », a-t-il révélé. « Alors que le coût du carburant devient plus cher (…), nous allons voir des millions de ménages se tourner vers des sources d'énergie non durables, et cela dans de nombreux environnements fragiles, en particulier des endroits comme le Sahel », a déclaré Raymon Gilpin.  « Nous allons voir beaucoup plus de déforestation et un recul des progrès significatifs qui avaient été réalisés dans le verdissement du Sahel », ainsi qu'une augmentation des tensions, avec une « forte possibilité » de se transformer en manifestations violentes, a-t-il estimé. Lors d'une visite au Sénégal, le secrétaire général des nations unies, Antonio Guterres,  a déclaré qu'« il est impossible de ne pas mentionner la guerre en Ukraine et son impact sur l'Afrique ». Cette guerre a aggravé une « triple crise alimentaire, énergétique et financière » à travers le continent africain, a-t-il souligné.

 

Noël Ndong
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