Interview. Pensée Sem Essé-Nsi : « La surenchère de la dot dépersonnalise la femme et représente un tourment pour l’homme »

Vendredi, Mai 13, 2022 - 13:46

Poète et dramaturge congolais, Pensée Sem Essé-Nsi est auteur de deux ouvrages parus aux Editions Renaissance Africaine en 2019, « L’écume des maux », puis « Je ne suis pas à vendre », dont il nous dévoile le contenu dans cette interview.

Les Dépêches du Bassin du Congo (L.D.B.C.) : Qu’est-ce qui vous a motivé à devenir écrivain ?

Pensée Sem Essé-Nsi (P.S.E.N.) : La passion des mots comme arme pour combattre les maux, c’est ce que je qualifie de déclic. Quand on vit dans un monde où l’absolu devient synonyme de tout ce qui est contraire aux normes, plus rien ne nous inspire que la révolte. La révolte face à l’intolérance de la vie. La révolte face à l’aigreur du temps. La révolte face à l’antipathie de l’homme. Voilà ce qui m’a poussé à l’écriture.

L.D.B.C. : Pourquoi le titre « Je ne suis pas à vendre » et quelles thématiques aborde ce livre ?

P.S.E.N. : « Je ne suis pas à vendre » est la protestation d’une femme, plutôt d’une fille, qui se voit au bord du précipice après la décision de ses parents qui tant soit peu la placent au même pied d’égalité qu’une marchandise vouée à une vente. Et la thématique centrale abordée est celle de la surenchère de la dot dans notre pays, alors que le Code de la famille, n’étant pas encore révisé, stipule en son article 140 que « La dot en nature ou en espèce ou sous toutes les deux formes ne doit jamais dépasser cinquante mille francs ». Force est d’interpeler les parents sur cette question de la dot qui devient une mer à boire pour les prétendants et le législateur afin de recadrer la dot dans notre société qui a suffisamment évolué au lieu d’user de faux-fuyants. A côté, il y a des thématiques secondaires comme l’éducation et la méconnaissance des auteurs congolais par les Congolais eux-mêmes.

L.D.B.C. : En choisissant de défendre la cause de la femme, n’êtes-vous pas un auteur féministe ?

P.S.E.N. : Non, pas du tout ! Ecrire pour la cause de la femme, je pense, ne fait pas de nous des auteurs féministes. Ecrire est d’abord et avant tout un engagement ou un moyen d’expression. C’est une lutte. Je n’écris pas seulement pour divertir le lecteur, mais aussi pour dire plus haut ce qu’il dit, lui, plus bas. La question de la surenchère de la dot dépersonnalise la femme, oui. Mais elle tourmente et contrarie l’homme, puisque le tout repose sur ses frêles épaules. Voyez-vous ?

L.D.B.C. : Un dernier mot…

P.S.E.N. : La loi régit le mode de vie des hommes en société. Elle est donc la source par excellence du droit objectif. Mais dès lors qu’elle se tait devant les déviances, c’est cette présumée société qui paye le prix. "Je ne suis pas à vendre" est un son de cloche d’abord à l’endroit des autorités compétentes afin de recadrer la dot devant ce que l’on peut qualifier de cadeaux les plus extravagants car, la société congolaise connaît aujourd’hui un vrai malaise ; ensuite à l’endroit des familles, rien n’est plus rassurant que de marier leurs filles à un montant modéré. Cela garantit la vie de ménage de ces dernières.

Propos recueillis par Aubin Banzouzi
Légendes et crédits photo : 
Pensée Sem Essé-Nsi/DR
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