Libye : les acteurs appelés à éviter des actions empêchant la reprise du processus électoral

Lundi, Mai 30, 2022 - 14:45

La communauté internationale a beau insister sur l’importance de la tenue des élections générales pour pacifier le pays, aucun accord n’est pour l’instant prévisible en raison de désaccords persistants entre camps rivaux et acteurs étrangers impliqués dans le conflit. Et malgré les efforts de médiation de l’ONU, le statu quo est appelé à durer puisque la capitale Tripoli a été récemment le théâtre de combats violents entre groupes armés.

Fathi Bachagha, le chef d’un gouvernement soutenu par le camp de l’Est, a tenté de déloger l’exécutif de son rival de Tripoli, Abdelhamid Dbeibah, en place depuis février 2021. Il est vrai que l’insurgé s’est finalement retiré de la capitale mais les combats qu’il a provoqués sont symptomatiques du chaos auquel la Libye est en proie depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, et dont elle ne parvient pas à s’extirper, faute d’un gouvernement accepté par tous les protagonistes.

Entre 2014 et 2021, le pays s’était déjà retrouvé avec deux gouvernements rivaux. Mais à l’époque, les divisions étaient d’ordre régional entre la Cyrénaïque dans l’Est, dominée par le maréchal Khalifa Haftar, et le gouvernement basé à Tripoli. Ce qui n’est plus le cas actuellement puisqu’il s’agit désormais d’ententes entre acteurs clefs des deux régions d’autant que Fathi Bachagha, un poids lourd de l’Ouest de la Libye, a noué des alliances avec le maréchal Haftar et avec le président du Parlement basé dans l’Est, Aguila Saleh.

Du fait des divisions politiques qui minent la Libye, notamment entre institutions concurrentes dans l’Est et l’Ouest et par l’insécurité, la production pétrolière, principale source de revenus en Libye, en est otage, avec une vague de fermetures forcées de sites pétroliers ces derniers temps. Le blocage de sites pétroliers entraîne un manque à gagner de soixante millions de dollars par jour, selon le ministre du Pétrole et du Gaz. Quant aux groupes à l’origine de ces blocages, considérés comme proches du camp de l’Est, ils réclamaient le transfert du pouvoir à Fathi Bachagha ainsi qu’une meilleure répartition des revenus pétroliers.

Selon des observateurs, le coup de force avorté de l’ancien ministre de l’Intérieur amenuise ses chances de diriger un gouvernement susceptible d’être accepté par tous les protagonistes.

La tenue d’élections, unique voie possible de sortie de crise

« La brigade qui a vraiment et ouvertement aidé Bachagha à entrer à Tripoli - c’est-à-dire al-Nawasi - s’est retrouvée seule et entourée de milices pro-Dbeibah qui sont finalement très bien organisées, notamment la Brigade 444 connue pour sa proximité en termes de coordination, de formation et d’équipements et très proche de la Turquie », relève Jalel Harchaoui, chercheur spécialiste de la Libye. Il y voit une preuve sûre que le gouvernement basé à Tripoli va continuer à diriger le pays.  « Cette capitulation de la part de Bachagha va l’affaiblir énormément car l’argument qu’il a toujours mis en avant, sa capacité justement à être accepté en Tripolitaine et dans la capitale en particulier, s’est retournée contre lui », estime l’analyste.

De son côté, Anas el-Gomati, directeur du groupe de réflexion Sadeq Institute, pense que l’entrée avortée dans Tripoli du chef du gouvernement rival est « un désastre politique pour Bachagha ». « Il est sous pression pour prouver sa valeur à Haftar. Aucun d’eux n’est en mesure de s’emparer de la capitale », a-t-il ajouté.

Devant l’impasse de la situation en Libye, la communauté internationale appelle à la reprise du processus électoral sur place, interrompu en décembre dernier. « Les institutions et dirigeants politiques libyens ont la responsabilité de reprendre le processus électoral au plus vite » au bénéfice du peuple qui devait voter le 24 décembre 2021 lors d’une présidentielle avortée, note l’ONU dans un récent rapport. Les Libyens doivent « s’engager sans équivoque pour la tenue d’élections présidentielle et parlementaire libres, équitables, inclusives et crédibles dans les meilleurs délais, sur la base d’un cadre constitutionnel et juridique convenu », insiste le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.

Le chef de l’ONU appelle, par ailleurs, « tous les acteurs à s’abstenir d’actions unilatérales qui pourraient aggraver les divisions existantes, déclencher des conflits et menacer les progrès durement acquis vers la stabilité et l’unité réalisés ces deux dernières années ». Sur le plan économique, il leur demande d’« éviter les actions qui perturbent la production pétrolière dont dépendent les moyens de subsistance de tous les Libyens ».

 

 

Nestor N'Gampoula
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