Interview. Fils Ngeleka : « Si c’était à refaire, je referais le même choix »

Mardi, Mai 31, 2022 - 12:00

Le jeune réalisateur lushois était au nombre des participants à l’atelier d’écriture de scénario animé par le réalisateur français, Jean De Loriol, du 16 au 21 mai, dans le cadre du Festival du film européen. Dans cet entretien avec "Le Courrier de Kinshasa", il raconte son parcours et la raison de sa participation à la rencontre.

Fils Ngeleka, cinéaste de Lubumbashi (DR)Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : Artiste de Lubumbashi, qu’est-ce qui vous a amené à poser vos valises à Kinshasa  ?

Fils Ngeleka (F.N.)  : Je m’appelle Fils Ngeleka, je suis un cinéaste, réalisateur et scénariste basé à Lubumbashi. Ma venue à Kinshasa est dans le cadre du Festival du film européen, j’y participe à un atelier sur l’écriture du scénario. C’est la raison de ma présence ici.

L.C.K. : La réalisation vous réussit déjà, est-ce une obligation pour se mettre soi-même à l’écriture de scénarios  ?

F.N. : La réalisation et l’écriture de scénarios sont deux métiers différents, mais il peut arriver que l’on conjugue les deux. Les deux compétences influent l’une sur l’autre et cela permet à chacune de s’exprimer pleinement, d’après mon expérience. Mais un réalisateur n’est pas forcément un scénariste. Néanmoins, cela reste un grand atout pour la réalisation lorsqu’on est soi-même capable d’écrire son scénario, surtout lorsqu’on fait des films d’auteur. Moi, j’en fais et je vois à quel point c’est vraiment important pour la qualité de mon travail. Mes préférences, le ton d’écriture que je veux, je peux l’imposer et l’imprimer parce que j’écris moi-même.

L.C.K. : Quel est votre genre de prédilection, le documentaire ou la fiction  ?

F.N. : Jusqu’ici, j’ai réalisé beaucoup plus de fictions que de documentaires. Mais j’aime tout autant le documentaire que la fiction. Pour le moment, j’ai fait plus de la fiction parce que j’avais envie de raconter certaines choses. Mais la fiction, le documentaire ou l’animation sont tous des créneaux qui nous permettent de nous exprimer. Dans l’avenir, si j’estime que mon sujet passerait mieux, qu’il serait mieux de le raconter à travers un documentaire, je le ferai autant que je le fais avec la fiction. De ce point de vue-là, je ne me mets pas dans un carcan, je suis ouvert. Tout dépend de la manière dont une idée m’affecte, comment je la perçois et pense lui donner une pleine expression.  

L.C.K. : Pourriez-vous nous parler du parcours qui vous a conduit au cinéma  ?

F.N. : Je suis arrivé au cinéma en voulant devenir journaliste. J’ai fait des études de journalisme au départ. Après le graduat, il fallait une spécialisation en licence, je me suis alors orienté vers les arts du spectacle. J’ai fait mon mémoire de fin d’études sur le cinéma mais j’étais déjà vidéaste avant cela. J’étais associé à la réalisation de films, j’étais donc déjà dans le domaine. L’autre raison c’est que j’estime important que nous racontions nos histoires, fassions valoir notre point de vue en tant que Congolais et citoyens du monde. Je me désolais de constater que notre histoire était le plus souvent écrite par les autres. A l’occasion des dates mémorables comme le 17 mai ou le 30 juin, l’on écoute plus les autres nous raconter le Congo et plus grave encore, ils nous parlent de nos propres milieux et réalités. J’évoluais dans le milieu de l’audiovisuel, cela a produit un électrochoc en moi et j’ai voulu contrebalancer les choses à ma manière, dans les proportions que je pouvais. Produire autant que je peux, des récits de mon milieu, de mon environnement. C’est ainsi qu’à mes débuts, j’étais plus passionné par le documentaire, c’était possible d’y tenir le discours que j’avais envie de tenir à travers la fiction. Voilà comment je me suis retrouvé au cinéma suite à une conjonction de circonstances, sans oublier que j’avais eu des cours d’initiation au cinéma en deuxième graduat. Cela s’ajoute à toutes les raisons qui m’ont décidé à faire du cinéma. Et, depuis que je le pratique, je pense que si c’était à refaire, je referais le même choix.

L.C.K. : Qu’est-ce qui vous tient le plus à cœur dans la pratique du cinéma  ?

F.N. : Dans le cinéma, je fais des films d’auteurs, c’est le moyen qui me permet en tant que Congolais et citoyen du monde de partager ma perception des choses. Le cinéma est un outil qui me permet de m’exprimer sur des problématiques sociétales, de sensibiliser ma communauté et le monde sur ma façon d’appréhender les choses, mes singularités de vue. Le cinéma est pour moi ce qu’est la littérature  pour un littéraire.

L.C.K. : Réalisez-vous plutôt les courts ou les longs métrages, pourquoi  ?

F.N. : Jusqu’ici, je n’ai fait que des courts métrages. Pour le moment, je finalise mon premier moyen métrage intitulé "Les voies intérieures". Je n’ai encore réalisé que des courts métrages pour plusieurs raisons. Le court métrage, c’est la petite porte par laquelle on s’invite au cinéma. Cela permet de commencer simplement, humblement, d’atteindre ses objectifs, parce qu’ils sont réalistes, et de grandir. Au-delà de cela, il y aussi une contrainte économique. Nous sommes dans un environnement où le cinéma ne dispose pas encore de tout son écosystème. Il n’existe pas de circuit qui permette de financer des films. Dès lors, on fait du mieux que l’on peut, avec les moyens de bord. Mais j’espère vivement qu’au-delà de ce moyen métrage que je réalise, j’aurai assez de visibilité, que cela va ouvrir des créneaux pour que j’ai assez de marge pour réaliser d’autres types de films. Du reste, ma satisfaction, c’est que j’arrive à m’exprimer qu’importe que ce soit dans le court, le moyen ou le long métrage.  

 

 

Propos recueillis par Nioni Masela
Légendes et crédits photo : 
Fils Ngeleka, cinéaste de Lubumbashi / DR
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