Court métrage documentaire français réalisé par Chris Marker, Alain Resnais et Ghislain Cloquet, à la demande de la revue Présence africaine à l’aube des décolonisations, « Les statues meurent aussi » portent un regard assez particulier sur la place et le rôle de l’art africain en Occident.
Sorti en 1953, le film « Les statues meurent aussi » a été interdit de diffusion en France pendant huit ans, en raison de son analyse fondamentale de l’histoire de l’art africain en lien avec la décolonisation française. A ce sujet Alain Resnais explique : « On nous avait commandé un film sur l’art nègre. Chris Marker et moi sommes partis de cette question : pourquoi l’art nègre se trouve-t-il au Musée de l’Homme, alors que l’art assyrien ou l’art grec, au Louvre ? ». Une question qui trouve d’ailleurs encore écho, comme le souligne Africavivre, dans les musées parisiens. Le Musée de l’homme devenu, en 2006, le Musée du Quai Branly avait fait à l’époque l’objet d’une polémique autour de la question de la propriété de certaines de ses œuvres exposées. Une question qui réapparait d’ailleurs souvent dans l’actualité.
« Quand les hommes meurent, ils entrent dans l’histoire. Quand les statues sont mortes, elles entrent dans l’art. Cette botanique de la mort, c’est ce que nous appelons la culture. […] Un objet est mort quand le regard vivant qui se posait sur lui a disparu. [Images de têtes sans bustes détournant le regard]. Et quand nous aurons disparu, nos objets iront là où nous envoyons ceux des Nègres : au musée. [Images de têtes sans buste dévisageant le spectateur.] […] Et puis ils meurent à leur tour. Classés, étiquetés, conservés dans la glace des vitrines et des collections, ils entrent dans l’histoire de l’art », racontent le film d’emblée. Au final, pour le réalisateur, les statues meurent aussi, mais leur mort n’est pas le dernier mot.
En effet, dans ses premières images, le film « Les statues meurent aussi » montre des statues et des masques « nègres ». A travers leur diversité et leur ressemblance, ces œuvres emportent le spectateur dans la culture africaine, tant celle qui promeut que Dieu est tout celle qui estime que tout est art. La suite de la narration pose une série de questions, notamment sur la façon dont l’Occident a transformé, sous l’effet d’une forte demande, l’art africain en objet mercantile.
« Les statues meurent aussi » regorge également quelques images prises en Afrique et qui laissent voir le continent sous plusieurs aspects : rituel, culturel, industriel, colonial, etc. Et dans quelques séquences, Chris Marker, en tant que réalisateur et scénariste, accompagné par Resnais comme coréalisateur, Ghislain Cloquet comme opérateur, Guy Bernard comme compositeur et Jean Négroni comme narrateur, ne se réserve pas de pointer du doigt de nombreux stéréotypes et lieux communs par un texte fort et provocateur.